L'élection à la présidence de
Nicolas Sarkozy suscite à juste titre de l'inquiétude chez les travailleurs,
jeunes, sans-papiers… qui ont tout à perdre de la politique pro-patronale et
répressive de ce très grand bourgeois, qui déclara cyniquement : «Je serai un président comme Louis de Funès dans le Grand
restaurant : servile avec les puissants, ignoble avec les faibles. J'adore. » Son programme électoral était clair: restriction
des libertés syndicales et du droit de grève, fin du CDI avec le contrat de
travail unique, augmentation et dérégulation du temps de travail, casse des
régimes spéciaux de retraites, privatisation des universités et de l'éducation
nationale, baisse des impôts (pour les plus riches), suppression des droits de
succession et de donation, renouvellement du parc nucléaire,
institutionnalisation de la xénophobie ("Je veux
souligner qu’en matière d’immigration les problèmes sont plus devant nous que
derrière nous") et du respect de l'autorité de
l'Etat, service civil obligatoire, accroissement du budget militaire en vue de
l'implication de la France dans les conflits mondiaux. Pour
autant, Sarkozy n'est pas un homme neuf. Ainsi, chargé de mission en 1987-88
pour la lutte contre les risques chimiques et radiologiques au ministère de
l'Intérieur, il continue à couvrir les conséquences de la catastrophe de
Tchernobyl, il est Ministre du Budget de 1993 à 1995, puis Ministre de
l'Intérieur de 2002 à 2004, Ministre de l’Économie de mars à novembre 2004, et
à nouveau Ministre de l’Intérieur de 2005 à 2007. Le collectif Ré-So[1],
loin d'être révolutionnaire, a estimé qu'une vingtaine de points du programme
de Jean-Marie Le Pen avait déjà été appliqué par Sarkozy lors de ses mandats
ministériels concernant les mesures principalement anti-immigrés. Où étaient
donc passés ces dernières années les militants et sympathisants de gauche que
l'on voyait manifester par dizaines de milliers contre l'arrivée de Le Pen au
second tour de la présidentielle de 2002?
Ce
"sauvageon" de Chevènement vaut bien
cette
"racaille" de Sarkozy.
Pour leur part, les anarchistes
n'oublient pas la politique anti-sociale et sécuritaire menée par la gauche
gouvernementale depuis plus de 30 ans. Pour ne citer que les exemples les plus
récents: la création des premiers centres de rétention; le fichage ADN, initié
par la gauche en 1998, et qui permet maintenant de ficher des militants
anti-OGM, anti-CPE ou même des enfants mineurs; la Loi sur la Sécurité
Quotidienne de Daniel Vaillant, qui criminalisait déjà le regroupement dans les
halls d'immeuble et la fraude multi-récidiviste dans les transports en commun
(la gauche peut bien ensuite hurler à la manipulation politique par Sarkozy de
l'émeute de la gare du nord). Quant à l'ex-LCR Julien Dray, loin de critiquer
la politique sécuritaire de Sarkozy, il qualifiait son bilan sur la sécurité de
"mitigé"
Avec la
Gauche, on aurait sauvé les meubles?
Sur la casse sociale menée par
la gauche, le bilan serait bien long, rappelons-nous seulement que la loi de
Martine Aubry sur les 35 heures a été un outil de flexibilisation et de
diminution du coût du travail. C'est aujourd'hui un lieu commun que de dire que
la gauche a plus privatisé que la droite: France Télécom, la SNCF, Airbus…
Jospin et Chirac signaient au sommet européen de Barcelone en 2002
l'allongement de 5 ans de la durée du travail en Europe. Quant à la précarité,
le "contrat première chance" de Royal exonérant les patrons de
versement de salaires et de cotisations aurait eu vocation à remplacer le
"contrat première embauche" de Villepin. La précarité se traduit
depuis 30 ans par les petits boulots nommés par les gouvernements successifs
TUC, SIVP, intérims, CDD, CES, CEC, contrats d’adaptation, contrats de retour à
l’emploi, RMI, contrats de qualification, stages, emplois jeunes, RMA… assortis
d'aides publiques monumentales octroyées au patronat.
La période est propice aux
tripatouillages politiciens. Du côté de "l'opposition", on n'a qu'un
seul mot à la bouche: arrêtons les manifs anti-sarkozy[2],
le seul enjeu qui vaille consiste à voter pour la gauche les 10 et 17 juin.
Forte de ses 1,93%, MG Buffet cherche un accord avec le PS pour rester au Palais
Bourbeux. Dominique Strauss-Kahn cherche à faire son OPA sur le PS au nom de la
"gauche efficace". Ségolène Royal s'auto-mandate déjà candidate pour
la présidentielle de 2012. L'ex-ministre PCF et camarade privatiseur Gayssot
propose la création d'une nouvelle formation politique abandonnant la référence
au PC. La LCR veut présenter plus de 500 candidats aux législatives pour
"résister" à Sarkozy…
A droite, au grand jeu des
plats de lentilles: le député européen Jean-Luc Bennhamias quitte les Verts
pour le Mouvement démocrate de Bayrou. Védrine, Kouchner sont pressentis pour
les affaires étrangères. Anne Lauvergeon, PDG de la multinationale nucléaire
AREVA, très proche conseillère de Mitterrand, et Allègre ont été contactés pour
des ministères. L'aventurier Bernard Tapie avait déjà choisi son camp avant le
premier tour, et le nom de l'ex secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat a
également été cité par "Libération" comme possible membre du
gouvernement.
Le futur modèle politique du Parti Socialiste
français, Tony Blair, déclara lors de sa visite en France à propos de Nicolas
Sarkozy: "Je suis absolument certain qu'il sera très bien. Il n'a pas
besoin de mon conseil, parce qu'il a fait
une campagne extraordinaire". Le Jeudi 26 Avril, plus de 350 dirigeants
d'entreprises se sont réunis à Paris dans une salle prêtée par le PDG de LASER,
filiale des Galeries Lafayette et de la BNP, dans laquelle l'ancien président
du groupe Yves Saint-Laurent faisait le lien entre Ségolène Royal et les
entreprises avec l'aide du directeur du développement international chez Suez
Environnement. L'actuel directeur général d'Orange France (groupe France
Télécom), Jean-Noël Tron, était présent au premier rang. Devant cet aréopage de
patrons, même Michel Rocard n'a pas caché sa surprise : "On est en train
de se battre pour une candidate socialiste et je me retrouve dans une réunion
de patrons" !
La
dictature c'est ferme ta gueule, la démocratie, c'est cause toujours.
Devant cet assemblage de salmigondis nauséabonds fleurant
bon la merdasse politicarde, il est de toute première urgence de revenir aux
fondamentaux, à savoir l'engagement sur le seul terrain qui vaille pour les
travailleurs, celui de la lutte des classes. Là aussi, il ne manque pas freins,
et les organisations de travailleurs, censées les représenter, sont plus que
jamais engluées dans la cogestion, le paritarisme et les arrière-pensées politiciennes. A la veille de leur
entrevue avec Sarkozy, les syndicats ne semblaient que critiquer sa
"méthode" de mener la casse sociale. Les bureaucraties syndicales
veulent encore et toujours apparaître comme des partenaires sociaux, il est
donc essentiel de "négocier, concerter et consulter". A contrario, il
ne leur semble pas urgent de chercher à mobiliser les salariés ! Ainsi, il
est bien regrettable que les 8 syndicats de la SNCF aient décidé de reporter à "un moment opportun"
un projet de grève nationale, initialement programmée pour le 5 juin, au motif
selon Sud-Rail, que cela était trop près du premier tour des législatives, et
risquait donc d'être contre-productif. Et pourtant ! Les sujets
revendicatifs à la SNCF comme ailleurs ne manquent pas: orientations du fret,
budget 2007 qui prévoit 2.500 réductions d'emplois, service minimum…
A l'issue de la réunion avec
Sarkozy, les syndicats ont été rassurés (pas nous !): "Sur
l'essentiel des décisions concernant le domaine social, (...) il devrait être
réservé un espace de dialogue, voire de négociations, avec les syndicats".
Toujours dans la même veine "combative", lors du comité central
d'entreprise de PSA, 5 syndicats sur 6 ont donné un avis favorable à la mise en
oeuvre du plan d'accompagnement des 4.800 suppressions d'emplois prévues chez
PSA Peugeot-Citroën. Aux dernières nouvelles, la famille Peugeot dormirait sur
ses deux oreilles...
Ne sombrons pas
dans l’illusion malsaine d’une défaite électorale. Les élections, quel qu’en
aurait été le résultat, n’auraient pas pu constituer une quelconque victoire.
Seule notre mobilisation, dans la rue, dans les entreprises, nous rendra
victorieux. Ainsi, le 10 Mai, 5.000 personnes ont manifesté dans les
rues de Chambéry en soutien à trois militants syndicaux menacés de licenciement
pour avoir participé à une précédente manif suivie d'un envahissement des
bureaux EDF. Les étudiants de Tolbiac ont réussi à bloquer leur fac une journée
entière. Les salariés d'Airbus-EADS, grâce à leur grève de 3 semaines, ont obtenu 500 euros de prime et 2,5% d'augmentation de
salaire. A Saint-Gobain, les salariés, au bout d'une semaine de grève, ont
obtenu 80 euros d'augmentation de salaire. Rappelons-nous aussi la victoire des
étudiants au printemps 2006 sur le retrait du CPE.
Quelles
perspectives?
Les manifestations principalement menées par la jeunesse
doivent pouvoir déboucher sur autre chose que la répression des militants et
des révoltés avec ou sans conscience politique; faute de quoi, la résignation
devrait encore gagner du terrain. La société fonctionne dans l'intérêt d'une
minorité d'actionnaires toujours plus riches au détriment d'une majorité de
travailleurs. L'Etat est le gardien de l'enclos: nous n'avons que le droit de
bosser et de voter, c'est à dire fermer notre gueule. Aujourd'hui, s'il est
nécessaire de se mobiliser contre la répression et les régressions sociales,
menées par n'importe quel gouvernement, il est important de comprendre que le
capitalisme n'est pas réformable. Face à la baisse généralisée du coût du
travail, à la banalisation de la schlague contre les mouvements sociaux, il n'y
a pas d'alternative: il faut changer la société. Pour
atteindre cet objectif, il est indispensable de peser dans les
organisations de changement social, aujourd'hui réformistes comme le sont les
confédérations syndicales. Nous devons transformer ces organisations de masse,
aujourd'hui outils d'accompagnement en outil de lutte (comme ils le furent
autrefois !). Les exploités doivent s'organiser pour être plus nombreux
dans les luttes sociales. Pour gagner sur nos revendications de liberté et
d'égalité économique et sociale, il faudra mener la grève générale. A terme,
nous exproprierons les patrons, et gérerons collectivement la société dans
notre intérêt propre. En attendant, soyons nombreux dans la rue, et pas dans
les isoloirs : cela devient plus
qu’urgent !
PERMANENCES AU LOCAL LES MERCREDIS &
SAMEDIS DE 14H A 18H - VENTE DU MONDE LIBERTAIRE DANS LE HAUT DE LA PLACE DES
LICES LES SAMEDIS DE 11H A 13H