Bilan d’un demi-siècle d’agriculture productiviste
Avant d’établir le bilan d’un demi-siècle
d’agriculture productiviste, je voudrais faire une petite mise au point. Parce
qu’aujourd’hui, les agriculteurs considèrent que critiquer le secteur agricole,
c’est discréditer les agriculteurs. Présenter le problème en ces termes, c’est
s’interdire de le comprendre. On peut faire deux remarques sur la prétendue
coupure agriculture-société.
D’abord, cette coupure entre le milieu agricole et
le reste de la société est le fait même d’agriculteurs. Un demi-siècle de cogestion
entre les organisations professionnelles et l’Etat ont isolé le monde agricole
des autres catégories sociales.
Ensuite, cette cogestion orchestrée essentiellement
par la FNSEA a permis de couper le monde agricole en deux : d’un côté, les
chefs d’entreprise bénéficiant de matériels hyper-sophistiqués grâce aux
subventions, et en train de se constituer des patrimoines gigantesques. De
l’autre, de petits exploitants de plus en plus en difficulté. La FNSEA ne
maintient la façade d’une unité du milieu agricole que pour mieux revendiquer
des aides qu’elle distribuera massivement aux exploitants les plus aisés, comme
on le verra tout à l’heure.
On voit de temps en temps, sur la voie publique,
cette inscription : « des paysans expulsent des paysans ». C’est
en effet avec la complicité de la FNSEA, et de son tremplin le CNJA, que chaque
année, 30 000 exploitations disparaissent chaque année en France.
Cette cogestion s’est d’ailleurs accompagnée d’un
pouvoir exorbitant auprès du milieu politique, et qui fait du monde agricole un
monde au-dessus des lois, comme en témoigne l’impunité dont bénéficient les
gros exploitants lorsqu’ils saccagent les bureaux d’un ministre ou lorsqu’ils
détruisent des voies ferrées.
Depuis les années 60, la motorisation, la grande
mécanisation, la chimie, la sélection de variétés de plantes et de races
d’animaux ont permis à l’agriculture d’entreprendre un développement
considérable, provoquant une explosion quantitative des productions. Les
rendements vont être multipliés dans tous les secteurs. C’est ce qu’on a appelé
la deuxième révolution agricole qui accompagne le déroulement des « Trente
glorieuses ».
La réponse avancée par les tenants de cette
agriculture productiviste est évidente : pour assurer l’alimentation des
populations. On peut alors faire deux objections :
1 – La production agricole globale couvre 110 % des
besoins de la planète. Pas un individu ne devrait donc souffrir de la faim. Or
35 000 enfants meurent de faim chaque jour. 800 millions de personnes souffrent
de sous-alimentation chronique en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Et
pourtant, chaque année, des milliers de tonnes de récoltes sont volontairement
détruites.
2 – A partir de 1975, l’Europe devient
autosuffisante sur le plan alimentaire. Pourquoi donc la course à la production
continue-t-elle de plus belle ?
C’est que l’explication selon laquelle l’agriculture
se développe pour nourrir ne tient pas, et qu’il faut y voir sans doute une
autre raison. Cette cause, un ministre américain de l’agriculture l’exprimait
en lançant, vers le milieu des années 50, cet avertissement aux
agriculteurs : « Agrandissez-vous ou déguerpissez ». Une logique
était désormais en marche, celle d’un système économique, le capitalisme, qui
allait engendrer, sur les plans humain, social, économique, écologique, des
conséquences dramatiques. La superficie moyenne d’une exploitation agricole aux
Etats-Unis est alors déjà de 120 ha en 1960.
La physionomie de l’agriculture n’a certes pas
attendu les lendemains de la seconde guerre mondiale pour changer. De 5 700 000
exploitations en 1892, la France passe à 2 300 000 en 1950. Mais l’analogie
s’arrête là, car les travailleurs exclus de l’agriculture étaient alors
largement absorbés par le développement de l’industrie et des services, ce qui
n’est pas le cas aujourd’hui.
Parce que sa seule loi est celle du profit, le
système capitaliste, en recherchant systématiquement l’abaissement des coûts de
production, ne peut fonctionner qu’à grande échelle. Il fallait d’importants
volumes de production. Il fallait aussi de grandes, si possible de très grandes
exploitations, de plus en plus performantes, pour vendre de plus en plus de
machines toujours plus puissantes et sophistiquées, et des quantités toujours
plus élevées d’engrais et de produits phytosanitaires.
La tendance à l’agrandissement, à la concentration
constitue une constante dans le développement récent de l’agriculture. Aux
Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Argentine, on observe un doublement de
la superficie moyenne des exploitations agricoles en un tiers de siècle. En
France, la taille moyenne passe de 16 ha en 1950 à 34 ha en 1990. Mais surtout,
la part des plus grandes (plus de 50 ha) s’accroît rapidement.
La surface totale des terres agricoles étant
globalement constante (et même plutôt en régression du fait de l’urbanisme), si
certaines exploitations s’agrandissent, c’est que d’autres diminuent… ou
disparaissent. La France comptait 2 300 000 en 1950, 1 600 000 en 1970, 1 200
000 en 1980, 960 000 en 1990, à peine plus de 600 000 aujourd’hui. Et le
capitalisme a déjà fixé ses « besoins » : autour de 300 000 vers
2010. C’est donc bien de la disparition programmée des petites exploitations
dont il s’agit.
Un processus d’élimination a été mis en place, qui
comporte deux étapes :
1 – baisser les prix mondiaux pour que les
agriculteurs ne puissent pas vivre de leur travail (voir page 6) ;
Mais s’il n’existe pas une compensation, c’est la
grande majorité des agriculteurs qui sera en difficulté d’un coup ; d’où
la deuxième étape, qui consiste à mettre en place un système de soutien
financier qui, puisqu’il est contrôlé en France par la FNSEA, permettra de filtrer
les aides, et d’éliminer chaque année 30 000 exploitations, celles dont le
capitalisme n’a pas besoin. C’est pourquoi 80 % des aides vont à 20 % des
agriculteurs, et évidemment pas ceux qui en auraient besoin.
Différents instruments vont être mis en place pour
réaliser cette sélection :
° les prêts accordés par le système bancaire, et
notamment le Crédit Agricole, ne sont pas les mêmes pour tous : certains
se les voient refuser ; d’autres obtiennent des taux élevés ;
d’autres encore des taux avantageux :
° les multiples aides, primes, subventions dont
l’attribution opaque vient d’être épinglée par la Cour des comptes (voir
article Ouest-France).
° le laxisme, et même la complicité, des pouvoirs
publics permet aux moins scrupuleux de conquérir des parts de marché,
pénalisant ceux qui respectent la réglementation. Ainsi, 40 % de la production
porcine en Bretagne s’est faite au-delà des autorisations légales.
° le remembrement, dans de nombreuses régions, aura permis d’éliminer les plus vulnérables
grâce aux divers abus : pratiques de passe-droits, systèmes de copinage,
intimidation, partialité de la commission lors des litiges. C’est souvent au
détriment des mêmes personnes que les injustices se cumulent : terres plus
éloignées ou de qualité inférieure, perte de points d’eau, de surfaces boisées…
° l’attribution des terres : la mise en place
des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et rural) était censée freiner les
concentrations abusives et les baux de complaisance. En fait, lorsque les
terres libérées sont examinées en Commission départementale d’orientation
agricole (CDOA), tout est joué : magouille, copinage, montages sociétaires
bidons… On pourrait citer de nombreux cas où de petits exploitants cherchant à
conforter leur situation ou des jeunes souhaitant s’installer ont vu des terres
leur échapper.
Sur le plan humain et social : on peut parler des conditions de vie rendues
insupportables par les difficultés financières, parce que le système a incité
les agriculteurs à s’équiper de matériels toujours plus performants
(aujourd’hui, le remboursement des investissements représente 30 % du revenu
des agriculteurs). 40 % des paysans vivent avec un revenu inférieur au Smic. 10
% des exploitations sont en faillite.
On peut aussi parler du chômage : des millions
d’emplois perdus en un demi-siècle. Et l’agroalimentaire est loin de combler le
déficit. En Côtes d’Armor, dans le temps (dix ans) où 2000 emplois ont été
créés dans la filière agroalimentaire, 17 700 ont été perdus dans la production
agricole.
La santé des agriculteurs s’est largement
dégradée :
° le stress dû aux difficultés financières, les
conséquences de la perte d’emploi : états dépressifs, alcoolisme, suicide.
° les nombreuses allergies et intoxications dues à
la manipulation des produits phytosanitaires.
° les accidents causés par les machines (secteur le
plus touché, avec le BTP).
La santé des consommateurs subit elle aussi une
détérioration par une alimentation appauvrie en nutriments essentiels et
polluée par les résidus de l’agriculture et les agents chimiques introduits par
l’agroalimentaire.
Une désertification accrue : l’abaissement régulier du nombre d’exploitations
dans les communes rurales va contribuer aux déplacements considérables de
population des campagnes vers les villes. En 1936, la population rurale
dépassait encore la population urbaine. Aujourd’hui, elle représente moins de
10 %. La désertification, ce sont des paysages qui ne sont plus entretenus
(avec les risques d’incendies), des services, publics notamment, qui ne sont
plus assurés, des écoles qui ferment, des commerces qui disparaissent,
des villages qui meurent.
Des atteintes graves à l’environnement : présenté en mars 1999 par les ministères de
l’agriculture et de l’environnement, le rapport « Agriculture, monde rural
et environnement » annonce d’emblée : « Les dommages causés dans
certaines zones par les vingt dernières années demanderont plusieurs décennies
pour être réparés. »
° Pollution de l’eau par les nitrates, par les
pesticides.
° Pollution de l’air également par les produits
phytosanitaires.
° Dégradation des sols : saturation en
pesticides, en zinc, cuivre (aliments du bétail) ; compactage,
c’est-à-dire tassement de la terre par le passage d’engins lourds, qui
détériore le potentiel agronomique des sols. Aux Etats-Unis, c’est près de cent
millions d’ha de terres agricoles qui sont considérés comme « sévèrement
endommagés ».
° Atteintes au paysage bocager par les opérations de
remembrement (réaménagement foncier) : de 500 à 700 000 km de haies ont
disparu en France avec la modernisation de l’agriculture.
° Réduction de la biodiversité : les espèces
domestiques et cultivées se sont dramatiquement réduites (trois races bovines
représentent 98 % du cheptel, et une seule variété de pomme (la golden) assure
les trois-quarts de l’offre marchande.
Le pillage de l’agriculture des pays pauvres : il s’effectue de plusieurs façons :
1 – il
faut rappeler d’abord qu’en augmentant son élevage bovin, la France
colonialiste du XIXe siècle importait des arachides qui fournissaient des
tourteaux riches en protéines et en sels minéraux. Ces prélèvements, non
compensés par des engrais trop chers, ont appauvri les sols des pays pauvres.
2 – la
motorisation et la grande mécanisation que le capitalisme a développé n’ont
profité qu’à une minorité, condamnant la grande majorité de la paysannerie
sous-équipée à disparaître.
3 – de
nombreuses études économiques montrent qu’au cours des dernières décennies, les
prix des matières premières agricoles ont baissé par rapport aux prix des
produits manufacturés (tous ces prix étant fixés par les pays riches). Or les
pays pauvres sont essentiellement exportateurs de matières premières et
importateurs de produits manufacturés. Ils ont donc subi ce qu’on appelle
pudiquement une détérioration des termes de l’échange, c’est-à-dire un vol.
4 – la
protection de leur industrie, dans laquelle de grosses entreprises occidentales
étaient intéressées (notamment dans les communications ou la défense), s’est réalisée
au détriment de leur agriculture, qui a été délibérément sacrifiée.
5 –
l’aide alimentaire pratiquée par certains pays, dont la France, constitue une
arme destinée à soumettre les pays auxquels elle est destinée. Elle induit, en
plus, des effets pervers : elle enrichit d’abord les classes au pouvoir,
par la corruption ; elle décourage les productions locales ; elle
crée de nouvelles habitudes alimentaires, facteur de dépendance ultérieure.
Autrefois asservi au notable, le paysan l’est
désormais à l’argent. Le secteur agricole devient un simple maillon du complexe
agro-industriel, un fournisseur de matières premières. Les exploitations sont
de plus en plus spécialisées dans un nombre réduit de productions rentables. En
amont de la production (engrais, produits de traitement, moteurs, machines,
carburant et autres fournitures) comme en aval (transformation des produits),
le système capitaliste a mis en place ses propres circuits qui enlèvent toute
autonomie aux agriculteurs.
En 1996, M. Scherrer, président de l’industrie
agroalimentaire française, déclarait : « Depuis 1992, la valeur
ajoutée de l’industrie alimentaire dépasse celle de l’agriculture. Il faut que
les pouvoirs publics prennent en compte cette réalité. Nous sommes en aval et
c’est nous qui pilotons. » Le message était parfaitement clair.
Si l’on veut avoir une idée assez claire des
intentions humanistes et du sens poétique des responsables de
l’agroalimentaire, il suffit d’entendre les deux déclarations suivantes. Celle
d’un cadre de l’industrie de la viande : « on doit considérer et
traiter la truie comme un appareil de valeur à cracher des porcelets, comme une
machine à saucisse. » Celle aussi d’un industriel du porc, dans le
Morbihan, inaugurant de nouvelles installations devant l’establishment
départemental, et à qui on reprochait d’avoir surdimensionné sas
bâtiments : « C’est vrai, nous avons vu notre abattoir un peu grand,
mais nous, industriels du porc, sommes optimistes. Nous avons confiance parce
que le porc, c’est la viande du pauvre, et des pauvres, il y en aura de plus en
plus. » Propos cités par J-C Pierre, fondateur de l’association « Eau
et Rivières de Bretagne ».
Avec les OGM, cette dépendance économique des
paysans vis-à-vis des firmes franchit une nouvelle étape. Le procédé
Terminator, qui rend les semences stériles en fin de cycle, et destiné à
contraindre les paysans à acheter tous les ans leurs graines, révèle clairement
l’objectif principal des firmes biotechnologiques : l’asservissement de la
paysannerie mondiale.
Si l’on dresse un bilan rapide d’un demi-siècle
d’agriculture capitaliste, c’est pour constater que, en trente ans,
l’agriculture a hypothéqué nos ressources en eau, mis en péril la santé des
agriculteurs et des consommateurs, provoqué la disparition de nombreuses
petites exploitations, et donc aggravé le chômage, accentué les déséquilibres
entre régions et la désertification rurale, entraîné la perte de fertilité des
sols, détruit les paysages bocagers, causé la diminution de la qualité des
produits alimentaires, augmenté le coût du stockage de certains produits,
favorisé la mainmise de quelques grandes firmes sur les réserves génétiques,
compromis l’autosuffisance alimentaire du Sud. Difficile de faire mieux en si
peu de temps !
Beaucoup, agronomes, paysans ou autres, voient la
solution à la « crise » agricole dans le maintien d’une agriculture
familiale. L’idée est séduisante, mais c’est oublier, ou méconnaître, trois
faits.
D’abord, à cause de leur élimination programmée dont
on a parlé tout à l’heure, il ne reste qu’assez peu d’exploitations que l’on
peut qualifier de « familiales » ; elles ne représentent qu’un
pourcentage assez faible des terres cultivables.
Ensuite, soutenir un « modèle familial »,
suppose une des deux options suivantes :
° ou on considère naïvement que les propriétaires de
domaines de 300, 400 ha ou plus vont accepter courtoisement de se laisser
déposséder ;
° ou on accepte hypocritement une agriculture à deux
vitesses : d’un côté, deux à trois cent mille grosses entreprises qui
continueront à être largement subventionnées ; de l’autre, des petits
producteurs chargés d’assurer les fonctions environnementales que les autres
dédaigneront ; en quelque sorte, des jardiniers de l’espace rural payés au
rabais, ou mieux des larbins pour touristes et citadins en mal de nature
authentique.
Enfin, croire que l’on pourrait pérenniser un modèle
familial, c’est oublier ou ignorer que le système dans lequel se développerait
ce modèle est le système capitaliste, caractérisé précisément par une dynamique
sans fin, par l’accumulation continue du capital, par une concentration
toujours plus importante.
En France, avant l’irruption de l’agrobusiness (dans
les années 50-60), c’est l’agriculture familiale d’auto-subsistance qui
prédominait depuis la réforme agraire née du démantèlement des propriétés
féodales. La Révolution de 1789 avait aboli la rente seigneuriale et conforté
le poids de la petite et moyenne paysannerie. Les structures agraires ont
continué à évoluer lentement vers un plus grand morcellement de la propriété et
de l’exploitation. En 1865, selon la statistique des cotes foncières, il
existait 14 millions de propriétaires. L’augmentation des quantités produites
conjuguée à la hausse des prix donne à beaucoup de paysans les moyens d’acheter
des parcelles, tandis que la hausse des salaires permet à certains journaliers
d’accéder à la propriété.
Pourquoi ce modèle familial ne s’est-il pas
perpétué ? Précisément parce que, depuis un siècle environ, le capitalisme
reconstitue le même schéma que celui du féodalisme. Et il ne pouvait en être
autrement. Pour cela, il lui suffit d’attribuer chaque année, par exemple, à
4200 chefs d’exploitation 750 000 F pour l’agrandissement de leurs fiefs, pendant
que 250 000 ne percevront que 18 000 F. Et cette exploitation familiale, on l’a
vu, est précisément en train de disparaître à raison de 30 000 par an parce
qu’elle est contraire aux exigences du capitalisme. 180 000 exploitations
occupent les deux tiers de la Surface agricole utile (SAU). Ces exploitations
représentent le « noyau dur » de l’agriculture française.
On est d’ailleurs dans un cercle vicieux, puisque la
forte demande de foncier, souvent de la part des agriculteurs qui cherchent à
s’agrandir, entraîne une augmentation du prix des terres agricoles (de 19 % de
janvier 1999 à juillet 2000). Situation évidemment très défavorable aux petites
et moyennes exploitations, et surtout aux jeunes en quête de terres pour
s’installer.
On est aussi devant un curieux paradoxe : alors
que la plupart des Français souhaitent certainement une réforme agraire au
Brésil, par exemple, où 1,4 % des propriétés de plus de 100 ha rassemblent 50,4
% de la surface cultivable, nous laissons s ‘amplifier chez nous le phénomène
exactement inverse : la concentration des terres.
La mise en commun des terres apparaît donc comme la
seule perspective réaliste. Réaliste, parce qu’elle s’est déjà réalisée,
notamment en Espagne, pendant la Révolution de 1936, où les terres ont été
gérées collectivement.
Gracchus Babeuf, révolutionnaire français, s’était
opposé à la loi agraire de mars 1793, parce qu’il savait que l’égalisation d’un
jour ne serait que le point de départ d’une nouvelle course à l’inégalité des
fortunes (et on peut constater aujourd’hui, comme je l’ai expliqué tout à
l’heure, qu deux siècles après, l’histoire lui a donné raison. Il
écrivait : « La loi agraire, ou le partage des campagnes fut le vœu
instantané de quelques soldats sans principes, de quelques peuplades mues par
leur instinct plutôt que par la raison. Nous tenons à quelque chose de plus
sublime et de plus équitable, le Bien Commun ou la communauté des biens !
Plus de propriété individuelle des terres : la terre n’est à personne.
Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la
terre : les fruits sont à tout le monde.