« Contre la pensée unique :
Libéralisme économique, obscurantisme religieux, oppression
étatique…
Pour la pensée libre ! Vive le droit au blasphème ! »
Maison du champ de mars, Salle gune
6 cours des alliés -rennes
Réunion publique
avec Jocelyn Bézecourt, conférencier mécréant
les affiches de la réunion publique 1 et 2
Les interventions
de ce soir-là.
Introduction d’un
militant du groupe la sociale
La Fédération Anarchiste d'Ille et
Vilaine organise une réunion publique le Mardi 23 mai à 20h30 avec Jocelyn
Bézecourt, conférencier mécréant
Sur le thème "contre la pensée
unique: libéralisme économique, obscurantisme religieux, oppression étatique...
pour la pensée libre ! Vive le droit au blasphème !"
Présentation de la soirée.
-
répartition du temps : 15 mn de présentation de la FA et du pourquoi de
l’organisation de cette réunion par la FA
-
présentation de Jocelyn bézecourt : informaticien, animateur du site
Internet www. Atheisme.org, auteur de plusieurs livres sur la question
religieuse : « pour une autre visite guidée des églises de
paris », « Contre Benoît XVI Le Vatican, ennemi des libertés »,
brochure « antireligion : regards croisés sur l’obscurantisme
religieux et la nécessité de le combattre »
Le groupe La Sociale s'inscrit dans
l'histoire de la construction et de l'implantation de la Fédération Anarchiste
à Rennes. Sans remonter trop loin, après une période un peu difficile à la fin
des années 70, quelques camarades, adhérents depuis quelques années déjà de la
FA, mais militants dans un groupe libertaire "large" décident de
constituer officiellement en 1984 le groupe de Rennes de la FA. L'investissement
militant de plus en plus conséquent se fera sur différents terrains :
antifascisme, antiracisme, antimilitarisme, anti électoralisme… avec déjà une
implication de plus en plus forte dans les luttes sociales. En 1996, devenu
groupe La Commune, cette tendance va se confirmer ainsi que le développement de
la FA, y compris par le biais du local rue Malakoff, nous donnant par là même
de nouvelles responsabilités.
Aujourd'hui, le groupe La Sociale se
caractérise plus que jamais par deux éléments fondamentaux :
- le souci permanent de renforcer, sur tous les plans
(local, fédéral), notre organisation outil indispensable au service de nos
idées et de nos luttes, tout en recherchant l'unité avec les autres organisations
libertaires sur des bases de clarté et de respect mutuel ;
- l'investissement privilégié dans les luttes sociales (y
compris dans leur dimension écologique), qui restent notre fil à plomb. Cela
passe par le travail syndical sans dogmatisme ni exclusive, mais aussi par les
collectifs de précaires ou de chômeurs et plus globalement par toutes les
initiatives qui peuvent rassembler les populations victimes de la répression et
de la régression sociale.
Conscients que la réflexion et la
formation sont essentielles dans notre combat, le groupe La Sociale se donne
aussi comme priorité de produire des textes, articles, brochures… qui soient
des pistes et des outils, même modestes, pour toutes les personnes qui
souhaitent construire un autre futur.
Site Internet + vente ML + Local
Sur le plan pratique :
Moyens : radio libertaire, locaux & librairie à paris et en province,
structure éditoriale « éditions du ML », le monde libertaire, etc…
Sur le plan politique :
Organisation synthésiste. qui se réclame de l’anarchisme organisé.
Sur la plan moral ou
philosophique : l’anarchisme est d’abord un refus et un rejet de l’ordre
établi. Amoureux éperdus de la liberté, les anarchistes ne savent pas se
satisfaire des inégalités et des injustices. Les individus ne sont responsables
de la société dans laquelle ils vivent que dans la mesure où ils ont abandonnés
leur pouvoir à d’autres, qui ont proclamés à un moment ou un autre qu’ils
avaient la légitimité de les diriger, y compris en employant la force contre
leurs administrés.
La spécificité de l’analyse anarchiste
est basé sur le refus du pouvoir, dont Louise Michel disait qu’il est maudit.
L’individu n’est réellement libre en société que dans la mesure où il est en
capacité de prendre ses affaires en main. Pour permettre aux individus de
n’être pas écrasés dans une collectivité humaine, celle-ci devrait être
organisée sur une base fédéraliste de bas en haut pour permettre la plus grande
prise en compte des besoins individuels dans un cadre collectif .
Historiquement, le pouvoir est
essentiellement basé sur le rapport de force, soit imposé d’en haut soit
accepté d’en bas. Entre ces 2 options, de multiples combinaisons sont
possibles. Ainsi, peu nombreux ont été les individus à avoir manifesté leur
désapprobation contre les lois liberticides passées par les Etats-Nations à la
suite des attentats du 11 septembre 2001 : patriot act aux USA ou LSQ-LSI
en France… De ce point de vue, on peut dire que le pouvoir n’est fort que dans
la mesure où nous n’avons pas conscience de notre force collective.
Selon la théorie cynique du philosophe
du 17ieme siecle Hobbes, l’homme étant un loup pour l’homme, l’Etat est un mal
nécessaire : l’individu doit nécessairement aliéner une partie de sa
liberté individuelle au profit d’une superstructure qui lui est extérieure.
L’Etat serait donc nécessaire à la vie en société pour que les individus ne
s’assassinent les uns les autres.
Hors, que constate t on ?
Sur le plan politique : les plus
grands criminels sont les Etats. Ce sont eux qui font les guerres. A
l’occasion, la répression étatique, sous ses formes militaires, policières ou
judiciaires, touche les opposants au système politique. Ce sont également les
Etats qui créent les frontières, divisent les habitants sur des bases
nationalistes, colonisent avec leur armée les territoires étrangers au nom de
la démocratie et du droit d’ingérence, alors qu’il ne s’agit que de piller les
ressources naturelles pour le bénéfice de leur bourgeoisie.
Sur le plan économique : à
l’échelle planétaire, les propriétaires de moyens de production (c’est à dire
les gros actionnaires) engendrent des profits records issus du seul travail des
salariés, qui, dans les pays occidentaux comme dans le tiers-monde, voient leur
niveau de vie diminuer et leurs horaires et conditions de travail se dégrader.
Sur le plan écologique : les
ressources naturelles fossiles sont pillées par les multinationales au nom de
la croissance économique, qui est nécessaire au capitalisme pour maintenir son
taux de profit . Le degré de pollution de la planète, ainsi que le
réchauffement climatique, hypothèque pourtant dangereusement les conditions de
vie des générations futures, jean-pierre tertrais pourra nous en dire un mot tout
à l’heure.
Sur le plan des mœurs et de la
colonisation de nos esprits, l’obscurantisme religieux revient très fort, ce
qui est naturellement lié à l’absence de perspective sociale émancipatrice. Les
religieux, en voulant inculquer leur croyance en un être suprême, créent à leur
tour une hiérarchie dans leur grande ou petite secte officielle ou officieuse,
reconnue officiellement ou pas par la verrue du corps social nommé l’Etat. Ces
gardiens du dogme, appelant à la tolérance quand leur religion est minoritaire,
deviennent de véritables policiers de la pensée quand elle devient majoritaire.
Ces gens-foutre en viennent y compris jusqu’à fourrer leur sale nez dans nos
slips.
Inutile de dire que tous ces aspects de
l’autoritarisme, qu’il soit religieux, politique ou économique, sont intimement
liés : Nous en voulons pour preuve les différentes politiques menées en
France ces 30 dernières années par la gauche comme par la droite :
l’augmentation de l’inégalité dans la répartition des richesses, inérrantes à la
concurrence en système capitaliste, s’est accompagnée d’une véritable mise à
l’écart des plus démunis par l’Etat. Alors que certains (la gauche plurielle,
les altermondialistes), appellent au retour à l’état providence et au système
d’économie mixte issu du compromis social de l’après deuxième guerre mondiale,
l’Etat-patron a fermé les bureaux de poste, privatisés les services publics,
diminuer les moyens de la fonction publique, octroyés des milliards d’euros (20
l’an dernier) d’exonérations de cotisations aux patrons, qui creusent d’autant
les caisses de sécurité sociale et de
retraite. Cet « Etat de droit » envoie il y a presque 2 ans les
gendarmes pour protéger les camions déménageant les machines de l’usine St
micro à rennes. Rappelons que STM était une usine scandaleusement bénéficiaire,
dont l’Etat est actionnaire et dont les machines ont été payées par les
contribuables. Ce sont aussi les gendarmes que les syndicalistes de la SNCM
trouveront, avec parfois un pistolet sur la tempe, lors leur lutte contre la
privatisation de leur entreprise.
En réponse à l’exaspération et à la
révolte des jeunes de banlieue, le gouvernement a eu le cynisme de vouloir
imposer la généralisation de la précarité par le biais du CPE et de
l’apprentissage à 14 ans et la légalisation du travail de nuit à 15 ans. Pour
ceux-là, le pouvoir ne laisse aucun autre rôle à jouer dans la société qui nous
est imposée que celui de bouc émissaire en réinstaurer le couvre-feu (même pas
utilisé en 1968) alors même que ce sont les premières victimes du système.
Cet Etat soit-disant protecteur de la
population et garant du pseudo intérêt général (qui ne peut pas exister dans un
société divisée en classe) a envoyé ses forces de répression policières contre
les manifestants lycéens étudiants et salariés lors de la lutte anti- Loi
Egalité des Chances et a fait condamné, par le biais de sa justice, des
milliers de manifestants.
En période de renforcement des
communautarismes, l’année du centenaire de la loi de séparation de l’Eglise et
de l’Etat, le ministre de l’intérieur et des cultes parle de modifier la loi de
1905, bien que fondamentalement, les religieux de tous poils n’en n’aient pas
vraiment besoin, car l’alliance du pouvoir temporel et spirituel existe déjà de
fait : la création du Conseil français du Culte musulman en 2003 a ainsi
pour objectif de canaliser les révoltes des pauvres issus principalement de
l’immigration.
Ainsi ; Abdelali Mamoun, imam dans
plusieurs villes de banlieues, assure que lors des émeutes de fin 2005 "la
plupart des imams ont appelé au calme". Pour lui "l'islam est un
facteur d'intégration". Si les jeunes ne respectent pas l'Etat de droit,
ils respectent l’islam de par leur éducation. Il suggère même que l'on remplace
"les cordons de CRS par un cordon de personnes âgées respectables et de
religieux". Cela a d’ailleurs déjà permis de disperser une émeute aux
Mureaux.
L’affaire des caricatures de Mahomet a
incité 2 députés UMP Jean-Marc Roubaud et Eric Raoult à déposer en mars 2006 un
projet de loi "visant à interdire les propos et les actes injurieux contre
toutes les religions ». Pour rappel, le délit de blasphème avait été aboli
en 1791 en modifiant la loi sur la liberté de la presse : "Tout discours,
cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte
volontairement aux fondements des religions, est une injure". A noter
qu’il est d’ailleurs toujours en vigueur en Alsace-Moselle, des militants
d’act-up l’ont récemment appris à leur dépends en étant condamné à ce titre par
la justice républicaine. A ce titre, le droit au blasphème, revendiqué par
notre camarade et invité de ce soir, Jocelyn bézecourt, est fondamental en tant
que revendication du droit de remettre en cause plus globalement l’ordre
établi.
Dans ce cadre, critiquer la religion,
toutes les religions, qu’elle soient officielles ou officieuses, majoritaire ou
minoritaires, c’est remettre en cause l’ordre établi au bénéfice d’une minorité
et au détriment de la majorité. Cela revient à contester le pouvoir d’Etat et
le pouvoir économique que les travailleurs détiennent potentiellement, sans
qu’ils en aient malheureusement toujours conscience. Cela revient à dire que
n’en déplaise aux chiens de garde médiatico-politico-capitalistes, nous n’en
sommes pas à la fin de l’Histoire : nous écrivons collectivement ses
changements quotidiens pour préparer un autre futur fait de solidarité,
d’égalité et de fraternité.
C’est pourquoi nous blasphémerons ce
soir avec un certain plaisir en reprenant quelques strophes de la chanson du
père duchesne : « si tu veux être heureux nom de dieu, fous les
églises par terre, coupes le curés en 2, et l’bon dieu dans la
merde » !
A toi la parole, Jocelyn !
Le
blasphème
Rennes
23 mai 2006
Jocelyn
Bézecourt
Pour montrer que la question du blasphème est d'une actualité brûlante et ce
dans le monde entier, je vais présenter les diverses tentatives qui ont œuvré
récemment au retour du délit de blasphème. Mais, auparavant, il conviendra de
rappeler quelques principes sur la liberté d'expression qui n'a pas être
dépendante de l'humeur des religieux et des croyants.
1/ Critiquer les religions
Actuellement,
au nom du respect d'autrui ou de l'opinion d'autrui, la critique des religions
devrait s'effacer au fur et à mesure qu'on s'approche de l'intimité des
convictions des croyants. C'est une conception assez étrange puisqu'elle impose
des limites à l'investigation et qu'elle borne la curiosité humaine. Le libre
examen de quelque doctrine que ce soit n'est que l'expression la plus libre de
la curiosité de chacun à démêler le vrai du faux, du mensonge ou de la
tromperie. La croyance religieuse est une opinion comme une autre et elle
mérite d'être examinée, débattue, contestée ou même moquée.
Comme
principe préalable, les religions doivent pouvoir être examinées librement
comme n'importe quel système de pensée, au même titre que l'athéisme ou
l'agnosticisme. Au-delà de la religion, ce sont les croyances, et par extension
les opinions, qui doivent aussi pouvoir être critiquées. Croyance et religion
ne sont pas équivalentes, la religion est l'institutionnalisation des croyances
puisque la religion encadre les croyances dans une structure rigide. Il faut
donc pouvoir critiquer l'une comme l'autre, aussi bien la structure autoritaire
de la religion que le caractère irrationnel de certaines croyances. Le premier
principe est donc d'admettre qu'une idée puisse être contestée, quelle qu'elle
soit sans être accusé d'insulter des individus.
Dans le
cas contraire, il n'y a pas de liberté d'expression et la religion a toujours
été la première bénéficiaire, et bien souvent l'instigatrice, de son
interdiction. Et derrière l'interdiction de la liberté d'expression, c'est
toujours la pensée qu'on veut conformer, c'est la liberté de conscience qu'on
veut atteindre. Au XIXe siècle, dans l'encyclique Mirari vos, le pape Grégoire XVI (1831-1846) avait condamné "cette
opinion absurde et erronée ou plutôt ce délire, à savoir que doit être
revendiquée pour chacun la liberté de conscience". Le Vatican a
toujours été très clair dans son refus du modernisme et des libertés
individuelles, Pie IX reprendra ces mêmes propos à la lettre près.
Aujourd'hui, selon le Catéchisme de l'Église catholique,
le blasphème est décrit comme « un péché très grave » et son champ
d’action est si vaste qu’il englobe la totalité de ce qui a rapport à la
religion : le blasphème « consiste à proférer contre Dieu –
intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi,
à dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à
abuser du nom de Dieu » ; en conséquence, « l’interdiction du blasphème
s’étend aux paroles contre l’Église du Christ, les saints, les choses sacrées
». C'est ni plus ni moins que la police catholique du vice et de la
vertu qui s’immisce jusque dans les réflexions formulées « intérieurement » pour
traquer la dissidence. Le zèle dans l’interdiction de la liberté d’expression a
toujours eu pour objectif ultime le formatage de la pensée. Une activité
cérébrale bien dressée assure d’un solide respect de la religion. L’oppression
n’est jamais si bien réalisée que quand, insérée dans les esprits, elle les a
conformés au discours officiel et qu’aucune répression n’est alors nécessaire.
C’est précisément l’ambition du catéchisme en réglementant les pensées
intérieures de chacun.
En
fait, aujourd'hui, la situation s'est inversée puisque, paradoxalement, c'est
au nom de la tolérance et de la liberté d'expression qu'on veut interdire la
critique des religions. Comme elles ne peuvent plus faire taire les critiques
en employant la violence, les religions voudraient les faire taire au nom de la
tolérance. C'est donc au nom de cette liberté d'expression que des personnes réclament
le droit, par exemple, de faire leur prière dans des lieux publics qui ne sont
pas prévus pour cela. Un exemple ahurissant avait été donné en 2000 dans les
locaux du ministère de l'intérieur quand les futurs membres du Conseil Français
du Culte Musulman avaient interrompu une réunion pour effectuer leur prière.
Ceci
étant dit, la seconde étape dans l'exercice du droit à la critique des
religions va consister à mettre en lumière ce qui est effectivement
inacceptable dans les textes religieux. Et cela doit pouvoir être fait avec la
plus grande irrévérence. Le respect n'est pas dû à la Bible et au Coran au vu
de leur contenu barbare, raciste et misogyne. Il est important de se défaire de
l'idée que les religions seraient motivées par la sagesse et la fraternité
alors que c'est sur le rejet de toute pensée ou pratique alternative qu'elles se sont construites.
2/ Le blasphème aujourd'hui
Étant
acquis le principe que les religions et les convictions peuvent et doivent être
critiquées sans timidité, on va s'intéresser aux cas les plus récents de
protestations contre le blasphème. Pour montrer qu'il y a actuellement une
vraie menace sur le retour du délit de blasphème et un accroissement
spectaculaire des vociférations des cléricaux, je ne retiendrai que des
évènements ayant eu lieu en 2006, depuis le début de cette année, et en France.
Il n'est pas nécessaire de rappeler des affaires comme celles de la Tentation
du Christ de Scorsese ou, plus récemment, de l'affiche du film Amen de Costa
Gavras, ni d'évoquer la situation extrêmement alarmante en Angleterre ou celle,
infiniment pire, observée au Pakistan. On va se limiter à ce qui se passe ici
et maintenant pour se convaincre que la réunion de ce soir obéit à une
situation bien réelle.
Concrètement,
une avalanche de protestations contre le blasphème ont été observées en France
depuis le début de l'année. C'est bien sûr la suite de l'affaire des
caricatures de Mahomet mais il est important de distinguer que les religieux ne
sont pas les seuls à avoir donné de la voix. Qu'un curé, un imam ou un rabbin
proteste lorsque la superstition qui le fait vivre est attaquée ou ridiculisée,
rien de plus normal; il est dans la logique de toute secte de crier à
l'agression dans ce genre de situation. Ce qui est non pas nouveau mais qui
mérite d'être remarqué est que les cléricaux reçoivent deux autres types de
soutiens, des soutiens qui proviennent de personnes pas toujours guidées par
leur propre spiritualité : c'est, d'une part, les professionnels de la
politique puisqu'il est dans l'intérêt de l'État d'entretenir des relations
cordiales avec les religions, et c'est, d'autre part, une partie du mouvement
associatif qui n'a rien de religieux, du monde du militantisme de gauche, qui
en arrive à prôner le respect des religions, et surtout de l'islam, par peur
d'être accusé de racisme ou de colonialisme.
3/ Les caricatures de Mahomet
Je vais
faire un rapide historique de l'affaire des caricatures de Mahomet pour en
venir ensuite aux réactions qu'elles ont suscitées. Les douze caricatures ont
été publiées en septembre 2005 dans un journal danois de droite et en janvier
dans un journal norvégien. Il y a eu quelques réactions locales mais elles sont
demeurées assez restreintes. Elles ont aussi été publiées en Égypte, sans que là
encore, ça jette des foules de fanatiques dans les rues. L'affaire a en fait
véritablement pris de l'ampleur quand un groupe de musulmans danois des Frères
Musulmans a fait le tour de quelques pays arabes avec un dossier présenté comme
explosif dans lequel ils avaient ajouté des documents sans rapport avec les
caricatures. Et ce fut l'explosion qu'on connaît tous : des ambassadeurs ont
été rappelés, les dessinateurs ont été menacés de mort, un commando armé a fait
une démonstration de force devant les locaux de l'Union Européenne à Gaza, des
manifestations violentes dans la rue ont été téléguidées par les pouvoirs en
place, boycott des produits danois et des excuses ont été demandées au
gouvernement danois.
Voilà
pour le contexte général, observons maintenant ce qui s'est passé en France.
L'affaire a vraiment débuté avec la publication des dessins dans France Soir,
le 1er février. Il faut d'ailleurs remarquer que ça a rendu un bon service au
reste de la presse puisqu'à partir de ce moment il n'était plus utile de les
publier. On a pu lire et entendre quantité d'articles et de déclarations tous
plus mesurés les uns que les autres sur l'articulation entre liberté
d'expression et respect des religions. La presse française a rarement été aussi
timide en essayant de ménager les susceptibilités alors que la seule attitude
valable aurait été de publier les dessins. France Soir a donc eu le courage de
les publier et pour montrer que sa rédaction n'étaient pas disposée à se taire
devant les fous d'Allah, France Soir en a remis une couche le lendemain en
faisant encore sa Une sur l'affaire. Charlie Hebdo a adopté exactement la même
stratégie. Les caricatures ont été publiées dans Charlie Hebdo le 8 février et
dans le numéro suivant, comme France Soir, l'hebdomadaire a enfoncé le clou.
Voilà une attitude réellement courageuse quand il s'agit de défendre la liberté
d'expression. Quand on est frappé sur une joue, il ne faut certainement pas
tendre l'autre joue mais opposer une résistance. "Tendre l'autre
joue" est la doctrine chrétienne de la soumission et de la résignation
devant le malheur, l'injustice, l'autorité.
4/ Les réactions aux caricatures en France
La
publication des dessins dans France Soir et Charlie Hebdo a provoqué des
réactions dans les trois groupes mentionnés au début :
a/ le
Conseil Français du Culte Musulman et d'autres associations musulmanes;
b/ un
certain nombre de politiciens qui ont borné la liberté d'expression au respect
des croyances sans même examiner ce que sont ces croyances;
c/ une
organisation comme le MRAP puisque, pour Mouloud Aounit, la publication des
caricatures relève du racisme. Le MRAP est actuellement très agité par la
fracture apparue sur ce sujet.
4.1/ Les associations musulmanes
En ce
qui concerne les organisations musulmanes, on a pu voir que le caractère
"modéré" de la Mosquée de Paris n'est que de la poudre aux yeux.
Dalil Boubakeur, son recteur, a eu des mots très durs pour condamner ces
publications et la Mosquée de Paris n'a pas hésité à employer des mots particulièrement
menaçants dans un communiqué de presse. Le communiqué se terminait par "Qui
sème le vent récolte la tempête". Quand on sait que la matière
première des auteurs de ce texte est le Coran, on peut être très inquiet sur le
sens de tels propos qui sont de véritables menaces.
L'UOIF
a elle aussi participé au concert de protestations et les organisations
constitutives du CFCM ont exercé des recours en justice : dépôt d'une plainte
contre France Soir et tentative d'interdire la sortie de Charlie Hebdo. Il
s'agit là d'une véritable censure. Fort heureusement cette action a échoué pour
des raisons de procédure mais la plainte a ensuite été renouvelée contre
Charlie Hebdo. Il peut paraître un peu frustrant de gagner un procès sur une
question de procédure surtout quand l'enjeu est de cette importance. Mais sur
cette affaire, c'est peut-être préférable car le juge qui en a décidé est le
même que celui qui avait donné raison à l'Église catholique dans l'utilisation
de la Cène l'an dernier. Les créateurs de mode qui avaient utilisé une version
féminine du tableau de Léonard de Vinci avaient été condamnés par ce même juge;
il n'était donc pas exagéré de craindre une décision similaire dans le cas de
la Une de Charlie Hebdo.
En
parallèle des gesticulations du CFCM, une autre association est apparue en
organisant une manifestation contre les caricatures le 11 février à Paris. Il
s'agit de l'Union des Associations Musulmanes de Seine-Saint-Denis. Beaucoup
d'hommes portaient des bandeaux où était inscrit Allah en arabe; on a pu voir
s'agiter un groupe de jeunes fous prêts pour le djihad, le visage masqué; une
majorité de femmes étaient voilées et la place de la Nation est même devenu un
lieu de prière.
Mais il
faut quand même reconnaître un certain talent aux organisateurs en ayant choisi
comme mot d'ordre le slogan suivant : "Respect des religions, liberté
d'expression, pas de contradiction". Toute l'astuce réside dans le
"pas
de contradiction" qui peut être compris comme "pas de contradiction entre
le respect des religions et la liberté d'expression" ou comme le
refus de toute forme de contradiction vis-à-vis de Mahomet ou de l'islam
puisque c'était précisément l'objectif de la manifestation. Sous couvert de
respect, on délivre en fait un message extrêmement autoritaire. On a là un
exemple remarquable de polysémie très courant dans la propagande de l'islam
politique qui ne bernera que ceux qui veulent bien l'être. Et parmi ceux-là
figurent quelques politiciens de droite.
4.2/ Le soutien de la droite
En
première ligne de ces benêts consentants, on trouve Jacques Chirac, Dominique
De Villepin et François Bayrou dont les déclarations appelant au respect des
croyances étaient brandies par les manifestants le 11 février. Il y a péril en
la demeure quand les propos de responsables politiques non musulmans sont
directement utiles à des fanatiques qui ne se reconnaissent que dans le cri de
guerre "Allah est grand".
Mais la
collusion de la droite avec eux est allée encore plus loin avec le dépôt de
trois propositions de loi en un mois. La première l'a été le 28 février par
Jean-Marc Roubaud, député du Gard, et est intitulée "Proposition de loi visant à
interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions".
Le texte de la proposition de loi se réfère bien sûr aux caricatures de Mahomet
et il stipule que "Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche
outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions, est
une injure." La soirée d'aujourd'hui est précisément incluse dans
ce cadre.
La
seconde proposition de loi est à l'initiative d'Éric Raoult, député maire du
Raincy, et a été déposée le 21 mars. Il s'agit d'ajouter que, aux côtés des
écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes et images, les
caricatures soient elles aussi concernées par la qualification de crimes et
délits commis par la voie de la presse.
Et la
troisième proposition de loi date du 28 mars; elle est signée par Christian
Demuynck qui est sénateur UMP de Seine-Saint-Denis. Son texte reprend exactement
celui de Jean-Marc Roubaud. Donc très belle harmonie de la droite contre la
critique des religions.
Et la
boucle est bouclée quand on apprend que Éric Raoult a fait sa proposition de
loi à la demande de l'association qui organisé la manifestation du 11 février
contre les caricatures. Et c'est même allé encore plus loin puisque cette
association a aussi rencontré des délégations du PC et du PS ! Plus récemment,
on a aussi vu Christine Boutin et deux élus de droite participer à un débat au
congrès de l'Union des Organisations Islamiques de France au Bourget le 6 mai.
Le monde politique s'acoquine avec les fanatiques au lieu de leur rappeler les
principes élémentaires de liberté d'expression. Il faut être très clair : il
n'y a pas à entretenir de dialogue avec l'extrême droite musulmane, pas plus
qu'avec le Front National !
La
question qui se pose alors est la suivante : pourquoi la droite catholique se
soucie-t-elle autant d'une religion adversaire ? Deux raisons à cela : une
raison œcuménique qui fait qu'aujourd'hui, les religions commencent à
comprendre que, pour tenter de sauver ce qui peut l'être, mieux vaut s'unir
contre l'ennemi commun qu'est la laïcité et la liberté d'expression. La
deuxième raison tient dans le fait que les partis politiques raisonnent aussi
en tant que dirigeants potentiels de l'État et que la religion en est une
alliée à préserver. S'il est bien quelqu'un qui cautionne cela, c'est Nicolas
Sarkozy, ministre précisément des cultes, bien qu'il n'ait pas protesté contre
les caricatures. Pour Sarkozy, il faut mettre plus de curés, d'imams et de
rabbins dans les villes et les quartiers pour obtenir la paix sociale. La
méthode Sarkozy c'est, à la fois, une police spectacle qui doit faire du
chiffre et des religions acoquinées avec le gouvernement. C'est le sabre et le
goupillon, on n'en sort pas.
Napoléon
et Thiers avaient déjà dit tout cela avant lui. Sarkozy a, en fait, copié
Napoléon quand il a créé de force le Conseil Français du Culte Musulman.
Napoléon avait fait la même chose avec le Grand sanhédrin pour les juifs. Les
époques sont différentes mais les constats sont similaires : la religion
apparaît comme une aide fort utile aux gouvernements pour masquer l'incapacité
du pouvoir à mener une action salutaire dans le champ social.
Pour
Napoléon, la religion est une protection contre la rébellion, pour Thiers elle
éloigne de la tentation de l'hédonisme, et pour Sarkozy c'est un remède à la
délinquance et, paradoxalement, au terrorisme islamique.
Donc
quand les deux députés et le sénateur de l'UMP proposent la réinstauration du
délit de blasphème, c'est à la fois pour protéger, par ricochet, le
christianisme et pour assurer à l'État un auxiliaire de maintien de l'ordre
docile, qui sera évidemment grassement rétribué. Les baux emphytéotiques pour
la construction des lieux de culte servent à cela.
4.3/ Le MRAP
Troisième
groupe qui s'est investi dans cette affaire, c'est le MRAP. Pour Mouloud Aounit
il s'agit d'un "détournement raciste de la liberté d'expression".
Donc plainte du MRAP contre France Soir. Et ce n'est pas nouveau puisque
Mouloud Aounit avait clairement appelé au retour du délit de blasphème sur
France 3 en janvier 2005 en disant : "la liberté de blasphémer et la liberté
d'ouvrir le champ au racisme doit être condamnée avec la plus grande
fermeté". Blasphème = racisme. A ce niveau, on n'est plus dans le
débat politique mais dans la calomnie.
Cependant,
il y a heureusement des personnes au MRAP qui ne se sont pas abandonnées à
classer comme du racisme la critique de l'islam. Pour une raison simple :
critiquer une idéologie n'est pas une insulte à ceux qui s'en réclament plus ou
moins, ou qui sont supposés s'en réclamer. Critiquer l'islam, ce n'est pas
rejeter les musulmans ni rejeter les arabes ou les nord-africains. Dans le premier
cas, les musulmans, dans leur immense majorité, sont loin d'adhérer à
l'ensemble des diktats coraniques ou de calquer leur vie sur celle, supposée,
de Mahomet, et dans le second cas, les arabes et les nord-africains sont loin
d'être tous musulmans. C'est d'ailleurs une tromperie qui est entretenue à
dessein par les fanatiques qui refusent de voir que quantité d'arabes et de
nord-africains, en particulier les femmes, exècrent ce système puisqu'ils en
sont les premières victimes, qu'ils soient athées, agnostiques ou autre. Tant
que, en France, une personne d'origine arabe ou nord-africaine ne pourra pas
exprimer publiquement sa non-adhésion à l'islam, la liberté d'expression ne
pourra pas être considérée comme acquise.
5/ Dernières péripéties
Une autre
étape dans l'interdiction de toucher au bien-aimé, comme disent les musulmanes
voilées, a été la marche pour Mahomet du 8 avril. Ca s'est passé à Marseille et
environ 200 personnes, les femmes étant reléguées à l'arrière, ont célébré
l'anniversaire de la naissance de Mahomet en délivrant en même temps le message
qu'il est interdit de le ridiculiser ou le contester. Avec ce genre
d'évènement, on est en train d'assister à l'émergence d'un mouvement islamique
anti blasphème qui, de plus en plus, occupera le pavé, comme les médias, chaque
fois que l'islam sera moqué ou attaqué. C'est l'équivalent musulman de l'AGRIF.
L'AGRIF
est une organisation catholique d'extrême droite avec Bernard Antony à sa tête.
La dernière sortie de l'AGRIF a été un procès en appel contre Libération en
mars pour un dessin qui montrait le Christ portant un préservatif. Ca déplait
donc procès. C'est aussi l'AGRIF qui avait déposé plainte, et perdu, à propos
de l'affiche du film Amen de Costa Gavras où une croix chrétienne était mêlée à
une croix gammée. C'est encore l'AGRIF qui avait gagné un procès contre Act Up
Toulouse qui avait pris pour slogan d'une de ses campagnes contre le SIDA : "Sainte-capote
protège-nous".
Un
autre épisode encore plus récent a vu passer à l'action de jeunes
réactionnaires partisans du retour du délit de blasphème. L'évènement s'est
passé dans un café à Paris, La Mer à boire, qui exposait des dessins
antireligieux de dessinateurs de Charlie Hebdo. Le titre de l'expo était
"Ni dieu, ni dieu". Ces dessins ont déplu et des gamins du quartier
sont venus détruire quelques cadres. Ensuite, d'autres plus âgés se sont
montrés et ont clairement dit que cette exposition n'était pas la bienvenue
pour les Frères Musulmans de Belleville. La conclusion de tout cela réside dans
le fait que ce quartier est devenu un territoire d'où sont exclus tous ceux qui
pensent différemment puisque ça dérange les activités de la mafia locale. Une
réunion d'information a été organisée au café la semaine suivante et, la nuit
précédente, un pavé a été lancé dans la vitrine. Lors du débat, on a pu
constater que ce sont des jeunes d'une vingtaine d'année qui tiennent un
discours extrêmement réactionnaire alors qu'ils se parent des atours de la
modernité. Leur vision de la société est très égocentrique, on exige le respect
pour soi-même mais pas pour l'autre, celui ou celle qui est différent et qui
entend le rester. C'est un discours de haine et d'intolérance typique du Front
National dans des populations qui sont habituellement ses cibles.
Enfin,
dernière péripétie anti blasphème, mercredi dernier, le 17 mai, 200 catholiques
se sont rassemblés devant un cinéma parisien pour protester contre la sortie du
film Da Vinci Code. Avec en tête, un curé de Saint Nicolas du Chardonnet qui
est l'église de l'extrême droite catholique à Paris.
6/ Conclusion
Contre
toutes ces résurgences de haine et d'intolérance au profit de la religion et
contre les manœuvres de l'UMP pour rétablir le délit de blasphème, le meilleur
militantisme qui soit est ce qu'ont fait France Soir et Charlie Hebdo, à savoir
ne pas faiblir et en remettre une couche à chaque fois. Faire en sorte de
résister face aux intimidations. Et le meilleur moyen n'est pas de prôner le
respect des croyances, l'obscurantisme religieux n'est pas respectable puisque
c'est une insulte à l'intelligence. La seule forme de militantisme cohérente
demeure de continuer à dénoncer les religions sans se laisser intimider par les
accusations de racisme. En particulier, il faut cesser de parler d'extrémisme
religieux quand une bombe explose. Le vrai extrémisme religieux n'est pas de
tuer les incroyants puisque c'est enseigné à profusion dans la Bible et le
Coran. Le vrai extrémisme religieux, au sens de l'extrapolation abusive des
textes, consiste plutôt à prétendre que les religions pourraient être des
facteurs de paix, de justice, de respect des droits des femmes et de la liberté
d'expression alors que rien ne justifie cela. Contre cela, continuons à
blasphémer !
Je vous
remercie.
Fédération Anarchiste – Groupe La Sociale :
c/o Local « La
Commune », 9 rue Malakoff – 35000 Rennes - (.
02.99.67.92.87 – Permanence les mercredis et samedis après-midi de 15h à
19h. Vente du Monde Libertaire sur les
marchés dans le haut de la Place des Lices et place du Banat au Blosne le
samedi de 11h à 13h http://www.falasociale.org/ mél :
contact@falasociale.org