« Contre la pensée unique :

Libéralisme économique, obscurantisme religieux, oppression étatique…

Pour la pensée libre ! Vive le droit au blasphème ! »

 
 
Mardi 23 mai 2006- 20h30

Maison du champ de mars, Salle gune

6 cours des alliés -rennes

Réunion publique

avec Jocelyn Bézecourt, conférencier mécréant

les affiches de la réunion publique 1 et 2

 

Les interventions de ce soir-là.

Introduction d’un militant du groupe la sociale

La Fédération Anarchiste d'Ille et Vilaine organise une réunion publique le Mardi 23 mai à 20h30 avec Jocelyn Bézecourt, conférencier mécréant

Sur le thème "contre la pensée unique: libéralisme économique, obscurantisme religieux, oppression étatique... pour la pensée libre ! Vive le droit au blasphème !"

 

Présentation de la soirée.

            - répartition du temps : 15 mn de présentation de la FA et du pourquoi de l’organisation de cette réunion par la FA

            - présentation de Jocelyn bézecourt : informaticien, animateur du site Internet www. Atheisme.org, auteur de plusieurs livres sur la question religieuse : « pour une autre visite guidée des églises de paris », « Contre Benoît XVI Le Vatican, ennemi des libertés », brochure « antireligion : regards croisés sur l’obscurantisme religieux et la nécessité de le combattre »

 

 

Présentation du groupe La Sociale

 

Le groupe La Sociale s'inscrit dans l'histoire de la construction et de l'implantation de la Fédération Anarchiste à Rennes. Sans remonter trop loin, après une période un peu difficile à la fin des années 70, quelques camarades, adhérents depuis quelques années déjà de la FA, mais militants dans un groupe libertaire "large" décident de constituer officiellement en 1984 le groupe de Rennes de la FA. L'investissement militant de plus en plus conséquent se fera sur différents terrains : antifascisme, antiracisme, antimilitarisme, anti électoralisme… avec déjà une implication de plus en plus forte dans les luttes sociales. En 1996, devenu groupe La Commune, cette tendance va se confirmer ainsi que le développement de la FA, y compris par le biais du local rue Malakoff, nous donnant par là même de nouvelles responsabilités.

 

Aujourd'hui, le groupe La Sociale se caractérise plus que jamais par deux éléments fondamentaux :

 

-         le souci permanent de renforcer, sur tous les plans (local, fédéral), notre organisation outil indispensable au service de nos idées et de nos luttes, tout en recherchant l'unité avec les autres organisations libertaires sur des bases de clarté et de respect mutuel ;

 

-         l'investissement privilégié dans les luttes sociales (y compris dans leur dimension écologique), qui restent notre fil à plomb. Cela passe par le travail syndical sans dogmatisme ni exclusive, mais aussi par les collectifs de précaires ou de chômeurs et plus globalement par toutes les initiatives qui peuvent rassembler les populations victimes de la répression et de la régression sociale.

 

Conscients que la réflexion et la formation sont essentielles dans notre combat, le groupe La Sociale se donne aussi comme priorité de produire des textes, articles, brochures… qui soient des pistes et des outils, même modestes, pour toutes les personnes qui souhaitent construire un autre futur.

 

Site Internet + vente ML + Local

 

Présentation de la Fédération Anarchiste

Sur le plan pratique : Moyens : radio libertaire, locaux & librairie à paris et en province, structure éditoriale « éditions du ML », le monde libertaire, etc…

Sur le plan politique : Organisation synthésiste. qui se réclame de l’anarchisme organisé.

 

L’anarchisme c’est quoi ? Quel est le lien avec le blasphème ?

Sur la plan moral ou philosophique : l’anarchisme est d’abord un refus et un rejet de l’ordre établi. Amoureux éperdus de la liberté, les anarchistes ne savent pas se satisfaire des inégalités et des injustices. Les individus ne sont responsables de la société dans laquelle ils vivent que dans la mesure où ils ont abandonnés leur pouvoir à d’autres, qui ont proclamés à un moment ou un autre qu’ils avaient la légitimité de les diriger, y compris en employant la force contre leurs administrés.

La spécificité de l’analyse anarchiste est basé sur le refus du pouvoir, dont Louise Michel disait qu’il est maudit. L’individu n’est réellement libre en société que dans la mesure où il est en capacité de prendre ses affaires en main. Pour permettre aux individus de n’être pas écrasés dans une collectivité humaine, celle-ci devrait être organisée sur une base fédéraliste de bas en haut pour permettre la plus grande prise en compte des besoins individuels dans un cadre collectif .

Historiquement, le pouvoir est essentiellement basé sur le rapport de force, soit imposé d’en haut soit accepté d’en bas. Entre ces 2 options, de multiples combinaisons sont possibles. Ainsi, peu nombreux ont été les individus à avoir manifesté leur désapprobation contre les lois liberticides passées par les Etats-Nations à la suite des attentats du 11 septembre 2001 : patriot act aux USA ou LSQ-LSI en France… De ce point de vue, on peut dire que le pouvoir n’est fort que dans la mesure où nous n’avons pas conscience de notre force collective.

 

Selon la théorie cynique du philosophe du 17ieme siecle Hobbes, l’homme étant un loup pour l’homme, l’Etat est un mal nécessaire : l’individu doit nécessairement aliéner une partie de sa liberté individuelle au profit d’une superstructure qui lui est extérieure. L’Etat serait donc nécessaire à la vie en société pour que les individus ne s’assassinent les uns les autres.

 

Hors, que constate t on ?

Sur le plan politique : les plus grands criminels sont les Etats. Ce sont eux qui font les guerres. A l’occasion, la répression étatique, sous ses formes militaires, policières ou judiciaires, touche les opposants au système politique. Ce sont également les Etats qui créent les frontières, divisent les habitants sur des bases nationalistes, colonisent avec leur armée les territoires étrangers au nom de la démocratie et du droit d’ingérence, alors qu’il ne s’agit que de piller les ressources naturelles pour le bénéfice de leur bourgeoisie.

Sur le plan économique : à l’échelle planétaire, les propriétaires de moyens de production (c’est à dire les gros actionnaires) engendrent des profits records issus du seul travail des salariés, qui, dans les pays occidentaux comme dans le tiers-monde, voient leur niveau de vie diminuer et leurs horaires et conditions de travail se dégrader.

Sur le plan écologique : les ressources naturelles fossiles sont pillées par les multinationales au nom de la croissance économique, qui est nécessaire au capitalisme pour maintenir son taux de profit . Le degré de pollution de la planète, ainsi que le réchauffement climatique, hypothèque pourtant dangereusement les conditions de vie des générations futures, jean-pierre tertrais pourra nous en dire un mot tout à l’heure.

Sur le plan des mœurs et de la colonisation de nos esprits, l’obscurantisme religieux revient très fort, ce qui est naturellement lié à l’absence de perspective sociale émancipatrice. Les religieux, en voulant inculquer leur croyance en un être suprême, créent à leur tour une hiérarchie dans leur grande ou petite secte officielle ou officieuse, reconnue officiellement ou pas par la verrue du corps social nommé l’Etat. Ces gardiens du dogme, appelant à la tolérance quand leur religion est minoritaire, deviennent de véritables policiers de la pensée quand elle devient majoritaire. Ces gens-foutre en viennent y compris jusqu’à fourrer leur sale nez dans nos slips.

 

Inutile de dire que tous ces aspects de l’autoritarisme, qu’il soit religieux, politique ou économique, sont intimement liés : Nous en voulons pour preuve les différentes politiques menées en France ces 30 dernières années par la gauche comme par la droite : l’augmentation de l’inégalité dans la répartition des richesses, inérrantes à la concurrence en système capitaliste, s’est accompagnée d’une véritable mise à l’écart des plus démunis par l’Etat. Alors que certains (la gauche plurielle, les altermondialistes), appellent au retour à l’état providence et au système d’économie mixte issu du compromis social de l’après deuxième guerre mondiale, l’Etat-patron a fermé les bureaux de poste, privatisés les services publics, diminuer les moyens de la fonction publique, octroyés des milliards d’euros (20 l’an dernier) d’exonérations de cotisations aux patrons, qui creusent d’autant les caisses  de sécurité sociale et de retraite. Cet « Etat de droit » envoie il y a presque 2 ans les gendarmes pour protéger les camions déménageant les machines de l’usine St micro à rennes. Rappelons que STM était une usine scandaleusement bénéficiaire, dont l’Etat est actionnaire et dont les machines ont été payées par les contribuables. Ce sont aussi les gendarmes que les syndicalistes de la SNCM trouveront, avec parfois un pistolet sur la tempe, lors leur lutte contre la privatisation de leur entreprise.

En réponse à l’exaspération et à la révolte des jeunes de banlieue, le gouvernement a eu le cynisme de vouloir imposer la généralisation de la précarité par le biais du CPE et de l’apprentissage à 14 ans et la légalisation du travail de nuit à 15 ans. Pour ceux-là, le pouvoir ne laisse aucun autre rôle à jouer dans la société qui nous est imposée que celui de bouc émissaire en réinstaurer le couvre-feu (même pas utilisé en 1968) alors même que ce sont les premières victimes du système.

 

Cet Etat soit-disant protecteur de la population et garant du pseudo intérêt général (qui ne peut pas exister dans un société divisée en classe) a envoyé ses forces de répression policières contre les manifestants lycéens étudiants et salariés lors de la lutte anti- Loi Egalité des Chances et a fait condamné, par le biais de sa justice, des milliers de manifestants.

En période de renforcement des communautarismes, l’année du centenaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le ministre de l’intérieur et des cultes parle de modifier la loi de 1905, bien que fondamentalement, les religieux de tous poils n’en n’aient pas vraiment besoin, car l’alliance du pouvoir temporel et spirituel existe déjà de fait : la création du Conseil français du Culte musulman en 2003 a ainsi pour objectif de canaliser les révoltes des pauvres issus principalement de l’immigration.

 

Ainsi ; Abdelali Mamoun, imam dans plusieurs villes de banlieues, assure que lors des émeutes de fin 2005 "la plupart des imams ont appelé au calme". Pour lui "l'islam est un facteur d'intégration". Si les jeunes ne respectent pas l'Etat de droit, ils respectent l’islam de par leur éducation. Il suggère même que l'on remplace "les cordons de CRS par un cordon de personnes âgées respectables et de religieux". Cela a d’ailleurs déjà permis de disperser une émeute aux Mureaux.

 

L’affaire des caricatures de Mahomet a incité 2 députés UMP Jean-Marc Roubaud et Eric Raoult à déposer en mars 2006 un projet de loi "visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions ». Pour rappel, le délit de blasphème avait été aboli en 1791 en modifiant la loi sur la liberté de la presse : "Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions, est une injure". A noter qu’il est d’ailleurs toujours en vigueur en Alsace-Moselle, des militants d’act-up l’ont récemment appris à leur dépends en étant condamné à ce titre par la justice républicaine. A ce titre, le droit au blasphème, revendiqué par notre camarade et invité de ce soir, Jocelyn bézecourt, est fondamental en tant que revendication du droit de remettre en cause plus globalement l’ordre établi.

 

Dans ce cadre, critiquer la religion, toutes les religions, qu’elle soient officielles ou officieuses, majoritaire ou minoritaires, c’est remettre en cause l’ordre établi au bénéfice d’une minorité et au détriment de la majorité. Cela revient à contester le pouvoir d’Etat et le pouvoir économique que les travailleurs détiennent potentiellement, sans qu’ils en aient malheureusement toujours conscience. Cela revient à dire que n’en déplaise aux chiens de garde médiatico-politico-capitalistes, nous n’en sommes pas à la fin de l’Histoire : nous écrivons collectivement ses changements quotidiens pour préparer un autre futur fait de solidarité, d’égalité et de fraternité.

 

C’est pourquoi nous blasphémerons ce soir avec un certain plaisir en reprenant quelques strophes de la chanson du père duchesne : « si tu veux être heureux nom de dieu, fous les églises par terre, coupes le curés en 2, et l’bon dieu dans la merde » !

 

A toi la parole, Jocelyn !

 

Le blasphème

Rennes 23 mai 2006

Jocelyn Bézecourt

 

 


Pour montrer que la question du blasphème est d'une actualité brûlante et ce dans le monde entier, je vais présenter les diverses tentatives qui ont œuvré récemment au retour du délit de blasphème. Mais, auparavant, il conviendra de rappeler quelques principes sur la liberté d'expression qui n'a pas être dépendante de l'humeur des religieux et des croyants.

 

 

1/ Critiquer les religions

 

Actuellement, au nom du respect d'autrui ou de l'opinion d'autrui, la critique des religions devrait s'effacer au fur et à mesure qu'on s'approche de l'intimité des convictions des croyants. C'est une conception assez étrange puisqu'elle impose des limites à l'investigation et qu'elle borne la curiosité humaine. Le libre examen de quelque doctrine que ce soit n'est que l'expression la plus libre de la curiosité de chacun à démêler le vrai du faux, du mensonge ou de la tromperie. La croyance religieuse est une opinion comme une autre et elle mérite d'être examinée, débattue, contestée ou même moquée.

 

Comme principe préalable, les religions doivent pouvoir être examinées librement comme n'importe quel système de pensée, au même titre que l'athéisme ou l'agnosticisme. Au-delà de la religion, ce sont les croyances, et par extension les opinions, qui doivent aussi pouvoir être critiquées. Croyance et religion ne sont pas équivalentes, la religion est l'institutionnalisation des croyances puisque la religion encadre les croyances dans une structure rigide. Il faut donc pouvoir critiquer l'une comme l'autre, aussi bien la structure autoritaire de la religion que le caractère irrationnel de certaines croyances. Le premier principe est donc d'admettre qu'une idée puisse être contestée, quelle qu'elle soit sans être accusé d'insulter des individus.

 

Dans le cas contraire, il n'y a pas de liberté d'expression et la religion a toujours été la première bénéficiaire, et bien souvent l'instigatrice, de son interdiction. Et derrière l'interdiction de la liberté d'expression, c'est toujours la pensée qu'on veut conformer, c'est la liberté de conscience qu'on veut atteindre. Au XIXe siècle, dans l'encyclique Mirari vos, le pape Grégoire XVI (1831-1846) avait condamné "cette opinion absurde et erronée ou plutôt ce délire, à savoir que doit être revendiquée pour chacun la liberté de conscience". Le Vatican a toujours été très clair dans son refus du modernisme et des libertés individuelles, Pie IX reprendra ces mêmes propos à la lettre près.

 

Aujourd'hui, selon le Catéchisme de l'Église catholique, le blasphème est décrit comme « un péché très grave » et son champ d’action est si vaste qu’il englobe la totalité de ce qui a rapport à la religion : le blasphème « consiste à proférer contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, à dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à abuser du nom de Dieu » ; en conséquence, « l’interdiction du blasphème s’étend aux paroles contre l’Église du Christ, les saints, les choses sacrées ». C'est ni plus ni moins que la police catholique du vice et de la vertu qui s’immisce jusque dans les réflexions formulées « intérieurement » pour traquer la dissidence. Le zèle dans l’interdiction de la liberté d’expression a toujours eu pour objectif ultime le formatage de la pensée. Une activité cérébrale bien dressée assure d’un solide respect de la religion. L’oppression n’est jamais si bien réalisée que quand, insérée dans les esprits, elle les a conformés au discours officiel et qu’aucune répression n’est alors nécessaire. C’est précisément l’ambition du catéchisme en réglementant les pensées intérieures de chacun.

 

En fait, aujourd'hui, la situation s'est inversée puisque, paradoxalement, c'est au nom de la tolérance et de la liberté d'expression qu'on veut interdire la critique des religions. Comme elles ne peuvent plus faire taire les critiques en employant la violence, les religions voudraient les faire taire au nom de la tolérance. C'est donc au nom de cette liberté d'expression que des personnes réclament le droit, par exemple, de faire leur prière dans des lieux publics qui ne sont pas prévus pour cela. Un exemple ahurissant avait été donné en 2000 dans les locaux du ministère de l'intérieur quand les futurs membres du Conseil Français du Culte Musulman avaient interrompu une réunion pour effectuer leur prière.

 

Ceci étant dit, la seconde étape dans l'exercice du droit à la critique des religions va consister à mettre en lumière ce qui est effectivement inacceptable dans les textes religieux. Et cela doit pouvoir être fait avec la plus grande irrévérence. Le respect n'est pas dû à la Bible et au Coran au vu de leur contenu barbare, raciste et misogyne. Il est important de se défaire de l'idée que les religions seraient motivées par la sagesse et la fraternité alors que c'est sur le rejet de toute pensée ou  pratique alternative qu'elles se sont construites.

 

 

2/ Le blasphème aujourd'hui

 

Étant acquis le principe que les religions et les convictions peuvent et doivent être critiquées sans timidité, on va s'intéresser aux cas les plus récents de protestations contre le blasphème. Pour montrer qu'il y a actuellement une vraie menace sur le retour du délit de blasphème et un accroissement spectaculaire des vociférations des cléricaux, je ne retiendrai que des évènements ayant eu lieu en 2006, depuis le début de cette année, et en France. Il n'est pas nécessaire de rappeler des affaires comme celles de la Tentation du Christ de Scorsese ou, plus récemment, de l'affiche du film Amen de Costa Gavras, ni d'évoquer la situation extrêmement alarmante en Angleterre ou celle, infiniment pire, observée au Pakistan. On va se limiter à ce qui se passe ici et maintenant pour se convaincre que la réunion de ce soir obéit à une situation bien réelle.

 

Concrètement, une avalanche de protestations contre le blasphème ont été observées en France depuis le début de l'année. C'est bien sûr la suite de l'affaire des caricatures de Mahomet mais il est important de distinguer que les religieux ne sont pas les seuls à avoir donné de la voix. Qu'un curé, un imam ou un rabbin proteste lorsque la superstition qui le fait vivre est attaquée ou ridiculisée, rien de plus normal; il est dans la logique de toute secte de crier à l'agression dans ce genre de situation. Ce qui est non pas nouveau mais qui mérite d'être remarqué est que les cléricaux reçoivent deux autres types de soutiens, des soutiens qui proviennent de personnes pas toujours guidées par leur propre spiritualité : c'est, d'une part, les professionnels de la politique puisqu'il est dans l'intérêt de l'État d'entretenir des relations cordiales avec les religions, et c'est, d'autre part, une partie du mouvement associatif qui n'a rien de religieux, du monde du militantisme de gauche, qui en arrive à prôner le respect des religions, et surtout de l'islam, par peur d'être accusé de racisme ou de colonialisme.

 

 

3/ Les caricatures de Mahomet

 

Je vais faire un rapide historique de l'affaire des caricatures de Mahomet pour en venir ensuite aux réactions qu'elles ont suscitées. Les douze caricatures ont été publiées en septembre 2005 dans un journal danois de droite et en janvier dans un journal norvégien. Il y a eu quelques réactions locales mais elles sont demeurées assez restreintes. Elles ont aussi été publiées en Égypte, sans que là encore, ça jette des foules de fanatiques dans les rues. L'affaire a en fait véritablement pris de l'ampleur quand un groupe de musulmans danois des Frères Musulmans a fait le tour de quelques pays arabes avec un dossier présenté comme explosif dans lequel ils avaient ajouté des documents sans rapport avec les caricatures. Et ce fut l'explosion qu'on connaît tous : des ambassadeurs ont été rappelés, les dessinateurs ont été menacés de mort, un commando armé a fait une démonstration de force devant les locaux de l'Union Européenne à Gaza, des manifestations violentes dans la rue ont été téléguidées par les pouvoirs en place, boycott des produits danois et des excuses ont été demandées au gouvernement danois.

 

Voilà pour le contexte général, observons maintenant ce qui s'est passé en France. L'affaire a vraiment débuté avec la publication des dessins dans France Soir, le 1er février. Il faut d'ailleurs remarquer que ça a rendu un bon service au reste de la presse puisqu'à partir de ce moment il n'était plus utile de les publier. On a pu lire et entendre quantité d'articles et de déclarations tous plus mesurés les uns que les autres sur l'articulation entre liberté d'expression et respect des religions. La presse française a rarement été aussi timide en essayant de ménager les susceptibilités alors que la seule attitude valable aurait été de publier les dessins. France Soir a donc eu le courage de les publier et pour montrer que sa rédaction n'étaient pas disposée à se taire devant les fous d'Allah, France Soir en a remis une couche le lendemain en faisant encore sa Une sur l'affaire. Charlie Hebdo a adopté exactement la même stratégie. Les caricatures ont été publiées dans Charlie Hebdo le 8 février et dans le numéro suivant, comme France Soir, l'hebdomadaire a enfoncé le clou. Voilà une attitude réellement courageuse quand il s'agit de défendre la liberté d'expression. Quand on est frappé sur une joue, il ne faut certainement pas tendre l'autre joue mais opposer une résistance. "Tendre l'autre joue" est la doctrine chrétienne de la soumission et de la résignation devant le malheur, l'injustice, l'autorité.

 

 

4/ Les réactions aux caricatures en France

 

La publication des dessins dans France Soir et Charlie Hebdo a provoqué des réactions dans les trois groupes mentionnés au début :

a/ le Conseil Français du Culte Musulman et d'autres associations musulmanes;

b/ un certain nombre de politiciens qui ont borné la liberté d'expression au respect des croyances sans même examiner ce que sont ces croyances;

c/ une organisation comme le MRAP puisque, pour Mouloud Aounit, la publication des caricatures relève du racisme. Le MRAP est actuellement très agité par la fracture apparue sur ce sujet.

 

4.1/ Les associations musulmanes

 

En ce qui concerne les organisations musulmanes, on a pu voir que le caractère "modéré" de la Mosquée de Paris n'est que de la poudre aux yeux. Dalil Boubakeur, son recteur, a eu des mots très durs pour condamner ces publications et la Mosquée de Paris n'a pas hésité à employer des mots particulièrement menaçants dans un communiqué de presse. Le communiqué se terminait par "Qui sème le vent récolte la tempête". Quand on sait que la matière première des auteurs de ce texte est le Coran, on peut être très inquiet sur le sens de tels propos qui sont de véritables menaces.

 

L'UOIF a elle aussi participé au concert de protestations et les organisations constitutives du CFCM ont exercé des recours en justice : dépôt d'une plainte contre France Soir et tentative d'interdire la sortie de Charlie Hebdo. Il s'agit là d'une véritable censure. Fort heureusement cette action a échoué pour des raisons de procédure mais la plainte a ensuite été renouvelée contre Charlie Hebdo. Il peut paraître un peu frustrant de gagner un procès sur une question de procédure surtout quand l'enjeu est de cette importance. Mais sur cette affaire, c'est peut-être préférable car le juge qui en a décidé est le même que celui qui avait donné raison à l'Église catholique dans l'utilisation de la Cène l'an dernier. Les créateurs de mode qui avaient utilisé une version féminine du tableau de Léonard de Vinci avaient été condamnés par ce même juge; il n'était donc pas exagéré de craindre une décision similaire dans le cas de la Une de Charlie Hebdo.

 

En parallèle des gesticulations du CFCM, une autre association est apparue en organisant une manifestation contre les caricatures le 11 février à Paris. Il s'agit de l'Union des Associations Musulmanes de Seine-Saint-Denis. Beaucoup d'hommes portaient des bandeaux où était inscrit Allah en arabe; on a pu voir s'agiter un groupe de jeunes fous prêts pour le djihad, le visage masqué; une majorité de femmes étaient voilées et la place de la Nation est même devenu un lieu de prière.

 

Mais il faut quand même reconnaître un certain talent aux organisateurs en ayant choisi comme mot d'ordre le slogan suivant : "Respect des religions, liberté d'expression, pas de contradiction". Toute l'astuce réside dans le "pas de contradiction" qui peut être compris comme "pas de contradiction entre le respect des religions et la liberté d'expression" ou comme le refus de toute forme de contradiction vis-à-vis de Mahomet ou de l'islam puisque c'était précisément l'objectif de la manifestation. Sous couvert de respect, on délivre en fait un message extrêmement autoritaire. On a là un exemple remarquable de polysémie très courant dans la propagande de l'islam politique qui ne bernera que ceux qui veulent bien l'être. Et parmi ceux-là figurent quelques politiciens de droite.

 

4.2/ Le soutien de la droite

 

En première ligne de ces benêts consentants, on trouve Jacques Chirac, Dominique De Villepin et François Bayrou dont les déclarations appelant au respect des croyances étaient brandies par les manifestants le 11 février. Il y a péril en la demeure quand les propos de responsables politiques non musulmans sont directement utiles à des fanatiques qui ne se reconnaissent que dans le cri de guerre "Allah est grand".

 

Mais la collusion de la droite avec eux est allée encore plus loin avec le dépôt de trois propositions de loi en un mois. La première l'a été le 28 février par Jean-Marc Roubaud, député du Gard, et est intitulée "Proposition de loi visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions". Le texte de la proposition de loi se réfère bien sûr aux caricatures de Mahomet et il stipule que "Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions, est une injure." La soirée d'aujourd'hui est précisément incluse dans ce cadre.

 

La seconde proposition de loi est à l'initiative d'Éric Raoult, député maire du Raincy, et a été déposée le 21 mars. Il s'agit d'ajouter que, aux côtés des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes et images, les caricatures soient elles aussi concernées par la qualification de crimes et délits commis par la voie de la presse.

 

Et la troisième proposition de loi date du 28 mars; elle est signée par Christian Demuynck qui est sénateur UMP de Seine-Saint-Denis. Son texte reprend exactement celui de Jean-Marc Roubaud. Donc très belle harmonie de la droite contre la critique des religions.

 

Et la boucle est bouclée quand on apprend que Éric Raoult a fait sa proposition de loi à la demande de l'association qui organisé la manifestation du 11 février contre les caricatures. Et c'est même allé encore plus loin puisque cette association a aussi rencontré des délégations du PC et du PS ! Plus récemment, on a aussi vu Christine Boutin et deux élus de droite participer à un débat au congrès de l'Union des Organisations Islamiques de France au Bourget le 6 mai. Le monde politique s'acoquine avec les fanatiques au lieu de leur rappeler les principes élémentaires de liberté d'expression. Il faut être très clair : il n'y a pas à entretenir de dialogue avec l'extrême droite musulmane, pas plus qu'avec le Front National !

 

La question qui se pose alors est la suivante : pourquoi la droite catholique se soucie-t-elle autant d'une religion adversaire ? Deux raisons à cela : une raison œcuménique qui fait qu'aujourd'hui, les religions commencent à comprendre que, pour tenter de sauver ce qui peut l'être, mieux vaut s'unir contre l'ennemi commun qu'est la laïcité et la liberté d'expression. La deuxième raison tient dans le fait que les partis politiques raisonnent aussi en tant que dirigeants potentiels de l'État et que la religion en est une alliée à préserver. S'il est bien quelqu'un qui cautionne cela, c'est Nicolas Sarkozy, ministre précisément des cultes, bien qu'il n'ait pas protesté contre les caricatures. Pour Sarkozy, il faut mettre plus de curés, d'imams et de rabbins dans les villes et les quartiers pour obtenir la paix sociale. La méthode Sarkozy c'est, à la fois, une police spectacle qui doit faire du chiffre et des religions acoquinées avec le gouvernement. C'est le sabre et le goupillon, on n'en sort pas.

 

Napoléon et Thiers avaient déjà dit tout cela avant lui. Sarkozy a, en fait, copié Napoléon quand il a créé de force le Conseil Français du Culte Musulman. Napoléon avait fait la même chose avec le Grand sanhédrin pour les juifs. Les époques sont différentes mais les constats sont similaires : la religion apparaît comme une aide fort utile aux gouvernements pour masquer l'incapacité du pouvoir à mener une action salutaire dans le champ social.

 

Pour Napoléon, la religion est une protection contre la rébellion, pour Thiers elle éloigne de la tentation de l'hédonisme, et pour Sarkozy c'est un remède à la délinquance et, paradoxalement, au terrorisme islamique.

 

Donc quand les deux députés et le sénateur de l'UMP proposent la réinstauration du délit de blasphème, c'est à la fois pour protéger, par ricochet, le christianisme et pour assurer à l'État un auxiliaire de maintien de l'ordre docile, qui sera évidemment grassement rétribué. Les baux emphytéotiques pour la construction des lieux de culte servent à cela.

 

4.3/ Le MRAP

 

Troisième groupe qui s'est investi dans cette affaire, c'est le MRAP. Pour Mouloud Aounit il s'agit d'un "détournement raciste de la liberté d'expression". Donc plainte du MRAP contre France Soir. Et ce n'est pas nouveau puisque Mouloud Aounit avait clairement appelé au retour du délit de blasphème sur France 3 en janvier 2005 en disant : "la liberté de blasphémer et la liberté d'ouvrir le champ au racisme doit être condamnée avec la plus grande fermeté". Blasphème = racisme. A ce niveau, on n'est plus dans le débat politique mais dans la calomnie.

 

Cependant, il y a heureusement des personnes au MRAP qui ne se sont pas abandonnées à classer comme du racisme la critique de l'islam. Pour une raison simple : critiquer une idéologie n'est pas une insulte à ceux qui s'en réclament plus ou moins, ou qui sont supposés s'en réclamer. Critiquer l'islam, ce n'est pas rejeter les musulmans ni rejeter les arabes ou les nord-africains. Dans le premier cas, les musulmans, dans leur immense majorité, sont loin d'adhérer à l'ensemble des diktats coraniques ou de calquer leur vie sur celle, supposée, de Mahomet, et dans le second cas, les arabes et les nord-africains sont loin d'être tous musulmans. C'est d'ailleurs une tromperie qui est entretenue à dessein par les fanatiques qui refusent de voir que quantité d'arabes et de nord-africains, en particulier les femmes, exècrent ce système puisqu'ils en sont les premières victimes, qu'ils soient athées, agnostiques ou autre. Tant que, en France, une personne d'origine arabe ou nord-africaine ne pourra pas exprimer publiquement sa non-adhésion à l'islam, la liberté d'expression ne pourra pas être considérée comme acquise.

 

 

5/ Dernières péripéties

 

Une autre étape dans l'interdiction de toucher au bien-aimé, comme disent les musulmanes voilées, a été la marche pour Mahomet du 8 avril. Ca s'est passé à Marseille et environ 200 personnes, les femmes étant reléguées à l'arrière, ont célébré l'anniversaire de la naissance de Mahomet en délivrant en même temps le message qu'il est interdit de le ridiculiser ou le contester. Avec ce genre d'évènement, on est en train d'assister à l'émergence d'un mouvement islamique anti blasphème qui, de plus en plus, occupera le pavé, comme les médias, chaque fois que l'islam sera moqué ou attaqué. C'est l'équivalent musulman de l'AGRIF.

 

L'AGRIF est une organisation catholique d'extrême droite avec Bernard Antony à sa tête. La dernière sortie de l'AGRIF a été un procès en appel contre Libération en mars pour un dessin qui montrait le Christ portant un préservatif. Ca déplait donc procès. C'est aussi l'AGRIF qui avait déposé plainte, et perdu, à propos de l'affiche du film Amen de Costa Gavras où une croix chrétienne était mêlée à une croix gammée. C'est encore l'AGRIF qui avait gagné un procès contre Act Up Toulouse qui avait pris pour slogan d'une de ses campagnes contre le SIDA : "Sainte-capote protège-nous".

 

Un autre épisode encore plus récent a vu passer à l'action de jeunes réactionnaires partisans du retour du délit de blasphème. L'évènement s'est passé dans un café à Paris, La Mer à boire, qui exposait des dessins antireligieux de dessinateurs de Charlie Hebdo. Le titre de l'expo était "Ni dieu, ni dieu". Ces dessins ont déplu et des gamins du quartier sont venus détruire quelques cadres. Ensuite, d'autres plus âgés se sont montrés et ont clairement dit que cette exposition n'était pas la bienvenue pour les Frères Musulmans de Belleville. La conclusion de tout cela réside dans le fait que ce quartier est devenu un territoire d'où sont exclus tous ceux qui pensent différemment puisque ça dérange les activités de la mafia locale. Une réunion d'information a été organisée au café la semaine suivante et, la nuit précédente, un pavé a été lancé dans la vitrine. Lors du débat, on a pu constater que ce sont des jeunes d'une vingtaine d'année qui tiennent un discours extrêmement réactionnaire alors qu'ils se parent des atours de la modernité. Leur vision de la société est très égocentrique, on exige le respect pour soi-même mais pas pour l'autre, celui ou celle qui est différent et qui entend le rester. C'est un discours de haine et d'intolérance typique du Front National dans des populations qui sont habituellement ses cibles.

 

Enfin, dernière péripétie anti blasphème, mercredi dernier, le 17 mai, 200 catholiques se sont rassemblés devant un cinéma parisien pour protester contre la sortie du film Da Vinci Code. Avec en tête, un curé de Saint Nicolas du Chardonnet qui est l'église de l'extrême droite catholique à Paris.

 

 

6/ Conclusion

 

Contre toutes ces résurgences de haine et d'intolérance au profit de la religion et contre les manœuvres de l'UMP pour rétablir le délit de blasphème, le meilleur militantisme qui soit est ce qu'ont fait France Soir et Charlie Hebdo, à savoir ne pas faiblir et en remettre une couche à chaque fois. Faire en sorte de résister face aux intimidations. Et le meilleur moyen n'est pas de prôner le respect des croyances, l'obscurantisme religieux n'est pas respectable puisque c'est une insulte à l'intelligence. La seule forme de militantisme cohérente demeure de continuer à dénoncer les religions sans se laisser intimider par les accusations de racisme. En particulier, il faut cesser de parler d'extrémisme religieux quand une bombe explose. Le vrai extrémisme religieux n'est pas de tuer les incroyants puisque c'est enseigné à profusion dans la Bible et le Coran. Le vrai extrémisme religieux, au sens de l'extrapolation abusive des textes, consiste plutôt à prétendre que les religions pourraient être des facteurs de paix, de justice, de respect des droits des femmes et de la liberté d'expression alors que rien ne justifie cela. Contre cela, continuons à blasphémer !

 

Je vous remercie.

 

 

Fédération Anarchiste – Groupe La Sociale : c/o Local « La Commune », 9 rue Malakoff – 35000 Rennes -   (. 02.99.67.92.87 – Permanence les mercredis et samedis après-midi de 15h à 19h.   Vente du Monde Libertaire sur les marchés dans le haut de la Place des Lices et place du Banat au Blosne le samedi de 11h à 13h               http://www.falasociale.org/   mél :  contact@falasociale.org

 

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