La production agricole : de la fièvre aphteuse à la logique capitaliste 

 

 

(article paru dans le Monde Libertaire Hors Série de l'été 2001)

 

Le productivisme en question

Surproduire pour s’enrichir

L’aubaine des problèmes sanitaires

Un gaspillage monstrueux

La PAC au cœur du dispositif

Le défi alimentaire

Construire l’égalité

 


Après la « vache folle », la peste porcine et quelques autres péripéties d’une agriculture qui confine à l’absurde, voici « fièvre aphteuse, le retour ». Cette maladie n’est en effet pas une nouveauté, elle existe même depuis des siècles : après plusieurs années d’accalmie (sa dernière manifestation remonte à 1981), elle réapparaît en février dernier en Angleterre, puis en mars en France, aux Pays-Bas, en Irlande.

 

Le productivisme en question

 

La fièvre aphteuse, ce mal qui répand la terreur, est une maladie bénigne, non transmissible à l’homme,  et dont les animaux en bon état se guérissent rapidement ; mais elle est contagieuse, les animaux les plus sensibles étant le porc, la vache, le mouton, la chèvre, et leurs cousins sauvages. Sa propagation est avant tout liée à la généralisation de pratiques agricoles productivistes (mauvaise fertilisation des sols, élevages concentrationnaires, facteurs de prolifération) et à la « mondialisation » (intensité des échanges, fréquence et durée des transports propices à la dissémination du virus : de nombreux abattoirs ont disparu parce que… non rentables ; par ailleurs, beaucoup d’animaux, nés dans une exploitation de naissage,  effectuent plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de km, jusqu’au lieu où ils seront engraissés. La rentabilité n’est-elle pas fondée sur la spécialisation des tâches ?).

 

L’agronomie « moderne », pour des raisons exclusivement économiques – augmentation des rendements – a rejeté le magnésium au profit du couple nitrate / potasse, induisant ainsi un déséquilibre minéral dans la composition des fourrages. Le potassium en excès dans les sols empêche le magnésium d’être assimilé. Ce déséquilibre engendre de nombreuses pathologies sur les végétaux, et par conséquent sur ceux qui s’en nourrissent, les animaux et l’homme. Les défenses immunitaires dépendent de ce que mangent les animaux, donc de la santé des sols : une nourriture carencée provoque des déficiences immunitaires. La tuberculose, la fièvre aphteuse, la brucellose, l’ESB et d’autres maladies, se développent lorsque les défenses sont faibles.

 

On sait, depuis les travaux du professeur Delbet en 1917, que le chlorure de magnésium, en dilution dans de l’eau, guérit rapidement les moutons atteints de la fièvre aphteuse. On a aussi constaté que, en Bretagne notamment, dans les exploitations où l’on épandait du maërl, la fièvre aphteuse ne se manifestait jamais, parce que cette algue, amendement calcaire connu, apporte au sol, et donc aux fourrages, une proportion importante de magnésie, ainsi d’ailleurs que plusieurs oligo-éléments, conférant aux animaux une résistance à la fièvre aphteuse. Par ailleurs, selon Michel Barbaud, spécialiste en agro-écologie, toutes les peuplades qui bénéficient d’une alimentation riche en magnésium ne connaissent pas les cancers (Caucasiens, Hunzas, Indiens…).

 

Puisque l’on connaît à la fois les mécanismes qui favorisent le développement de la fièvre aphteuse et les méthodes efficaces pour l’endiguer, pourquoi cette affection a-t-elle pu prendre tant d’ampleur ? Pourquoi se livre-t-on à cette « dictature hygiéniste », alors que la loi ne l’exige pas (le plan d’alerte « fièvre aphteuse » prévoit la mise en place de périmètres de protection (3 km) et de surveillance (10 km), avec mises en quarantaine, restriction des transports, désinfections, embargo sur l’exportation d’animaux vivants et de produits d’animaux) ? Pourquoi procède-t-on à l’abattage systématique et à la mise au bûcher de milliers d’animaux,  ravivant les peurs moyenâgeuses, alimentant la psychose, bloquant toute activité économique dans les régions d’élevage ? C’est plus d’un million d’animaux de ferme que la Grande-Bretagne a brûlé ou enfoui en trois mois. Un massacre qui pose aussi la question de l’évolution de notre rapport à la vie : l’animal-machine destiné à rentabiliser des capitaux et à devenir matière inerte, objet de consommation.

 

Surproduire pour s’enrichir

 

« Bon sang, mais c’est bien sûr », aurait dit Coluche : l’augmentation du profit se réalise dans l’accroissement de l’échange et de la circulation des marchandises. Plus ça pousse, et plus ça rapporte ! A qui, au fait, sinon aux gros exploitants agricoles, aux firmes de l’agroalimentaire, à la grande distribution, ainsi qu’aux banques. Il importe de bien comprendre la subordination totale de l’agriculture au secteur agroalimentaire : en mai 1996, Victor Scherrer, président de l’industrie agroalimentaire française, déclarait : « Depuis 1992, la valeur ajoutée de l’industrie alimentaire dépasse celle de l’agriculture. Il faut que les pouvoirs publics prennent en compte cette réalité. Nous sommes en aval et c’est nous qui pilotons. »

 

Au lendemain de la seconde guerre mondiale et des nouvelles lois d’orientation agricole, « on » avait incité les agriculteurs à produire toujours plus pour satisfaire les besoins alimentaires : noble cause ! L’Europe ayant atteint globalement l’autosuffisance alimentaire dans les années 70 (l’apparition des premiers soldes agroalimentaires excédentaires en France date de 1974),un ralentissement de la production aurait dû s’opérer. Or c’est une accélération qu’on a dû constater, une « explosion » quantitative même, directement liée à la « dictature des rendements » (en France par exemple, la production dans la filière avicole a augmenté de 24 % de 1993 à 1998 ; plus généralement, au cours de la période 1960-1995, pour les trente productions végétales ou animales les plus importantes, on ne recense aucun exemple de déclin ou de stagnation quant aux volumes produits). Depuis cette période, la « vocation exportatrice » est l’unique credo des agri managers, épaulés par leurs serviteurs zélés des classes politiques européennes (Giscard, avec sa lucidité en forme d’avion renifleur, qualifiait l’agriculture de « pétrole vert » de la France).

 

Les nouvelles orientations des politiques agricoles reposent sur la capacité illusoire de certains pays à conquérir des débouchés, sur la croyance en un marché mondial sans frontière capable d’absorber tous les excédents produits. Ces politiques ne sont évidemment pas sans conséquences :

° le recours massif aux subventions à l’exportation (le secteur européen des cultures arables a connu une croissance budgétaire de 1000 % entre 1984 et 1997 !). Un rapport de la Cour des comptes critiquait, il y a quelques années, les aides que l’Etat accordait par le biais du Crédit Agricole, « aides qui excluent les exploitations de poly-activités dont le maintien est indispensable dans certaines zones du territoire, qui ne favorisent pas l’installation progressive (…) mais qui renforcent la constitution d’exploitations intensives dans les filières de productions excédentaires ». On ne saurait être plus clair !

° la dégradation de l’emploi : du fait de l’accélération du processus de restructuration-concentration-industrialisation, l’Europe a perdu vingt millions de paysans en quarante ans, chaque « crise » de surproduction éliminant, dans une logique implacable, les exploitants les plus vulnérables. Car ce sont, bien sûr, les élevages de taille industrielle qui sont responsables de la surproduction : en France, seule la catégorie des élevages de plus de 1000 porcs a progressé entre 1979 et 1995 (de 5 % en nombre leur poids économique représente actuellement près de 60 % du cheptel).

° la concurrence des agricultures vivrières des pays du Sud et la ruine des économies locales. Tout cela sans résoudre le problème de la faim dans le monde (le Brésil, qui est pourtant troisième exportateur mondial de céréales, voit le quart de sa population souffrir de malnutrition).

 

L’aubaine des problèmes sanitaires

 

Le stockage des excédents dans les frigos de l’Europe (beurre, poudre de lait, viande de taurillons) a déjà coûté très cher aux contribuables, mais n’a pas résolu le problème de la surproduction. Que faire des surplus qui provoquent la « crise » et l’effondrement des prix ? Il y a bien l’ESB ou la peste porcine qui ont permis d’abattre de nombreux cheptels. Mais le résultat est largement insuffisant, d’autant que l’affaire de la « vache folle », en suscitant la méfiance des consommateurs, a fait chuter les ventes de manière significative. En Allemagne par exemple, la consommation de bœuf a chuté de 80 % depuis novembre 2000, et l’agriculture allemande se retrouve avec près de cinq millions de bovins sur les bras.

 

La réapparition de la fièvre aphteuse arrivait donc à point pour remédier à une surproduction consciencieusement entretenue depuis trente ans dans la communauté européenne (mais ne le répétez surtout pas, certains seraient trop prompts à dégainer les gros mots : cynisme, cupidité, machiavélisme, alors que la production est un long fleuve tranquille). C’est donc sciemment qu’on a laissé se développer l’épidémie… pour « dégraisser » le marché et éliminer un peu plus une petite paysannerie en profond désarroi. La surproduction capitaliste pourra désormais reprendre sur des bases plus saines. Attitude d’autant plus scandaleuse que la vaccination permettait de limiter l’extension de cette maladie, ainsi que, rappelons-le, le chlorure de magnésium. Produire pour détruire, il fallait y penser : le capitalisme l’a fait pour vous !

 

Le 1er janvier 1992, la vaccination de la fièvre aphteuse est interdite au sein des pays de l’union européenne. Si un Etat décide de recourir à la vaccination face à une forte épidémie, il s’astreint à un embargo de deux années minimum, c’est-à-dire qu’il se condamne à l’arrêt de ses exportations dans les filières concernées. D’où la déclaration de Jean Glavany, courageux ministre de l’agriculture : « il vaut mieux abattre plutôt que vacciner ». L’économie réalisée par l’Union européenne du fait de la non-vaccination est de l’ordre de 110 millions d’euros par an.

 

 

 

Un gaspillage monstrueux

 

Sans les injections répétées d’argent public, le secteur agricole serait largement déficitaire. L’externalisation de la plupart de ses coûts sur l’ensemble de la société permet de dissimuler le gaspillage gigantesque dont il est responsable. L’introduction du maïs en constitue une des causes essentielles. Le maïs engendre gaspillage et inefficacité économique. Pourquoi donc avoir développé en France cette plante spécifique des régions chaudes et humides, qui contient trois fois moins de protéines que l’herbe et nécessite donc un complément (en tourteaux : soja, colza…), qui accélère l’érosion des sols puisqu’elle empêche la couverture de la terre en hiver, qui augmente la pollution par les nitrates et les pesticides, et qui exige un matériel spécial pour être semée et récoltée ? Mais justement parce que le maïs engendre le gaspillage ! Et que le gaspillage renforce la dépendance des agriculteurs ! D’où l’importance de la prime au maïs-ensilage qui encourage cette orientation (2400 F par hectare contre 300 F pour l’herbe).

 

On le sait : plus la consommation augmente, plus les profits, pour certains, se multiplient. La consommation d’énergie pour la production agricole est fonction de la technologie. Cette technologie implique un équipement lourd, des installations d’irrigation lourdes, un usage massif d’engrais chimiques. De plus, cette production agraire moderne consomme (en dehors de la consommation énergétique engendrée par les méthodes industrielles de l’exploitation agricole) énormément d’énergie en transport et en stockage. L’aménagement du territoire a en effet progressivement éloigné les zones de production agraire des zones où les produits cultivés seront consommés, c’est-à-dire les villes. Ce transport, quotidien pour les denrées périssables, et le stockage conditionné, multiplient la consommation d’énergie.

 

Par ailleurs, le choix de certaines productions amplifie ce gaspillage, et notamment la viande dont la production est tout à fait disproportionnée aux besoins. Il faut en moyenne sept calories d’origine végétale pour produire une calorie de nourriture d’origine animale. De plus en plus, on utilise pour l’alimentation du bétail des produits qui pourraient être consommés directement par l’homme. On ne peut passer sous silence un des plus beaux exploits de l’agriculture capitaliste : la production industrielle des veaux de boucherie. Contrairement au veau fermier qui tête, dans la filière industrielle, le lait est trait, refroidi et stocké à la ferme, puis transporté à la laiterie où il est réchauffé, écrémé, stérilisé et mis en poudre. Puis on lui ajoute des matières grasses, on le rapporte à la ferme, où il est reconstitué, réchauffé avant d’être distribué aux veaux !!!

 

L’agriculture capitaliste organise un gaspillage à deux niveaux : d’abord, elle développe les filières où les opérations de transformation et les circuits de distribution sont les plus nombreux et les plus longs ; ensuite, de même que la pollution engendre le secteur lucratif de la dépollution, la surproduction occasionne l’élimination, soit la destruction de millions de tonnes de fruits et de légumes pour maintenir les prix sur le marché, soit l’abattage de nombreux animaux pour des raisons sanitaires, réelles ou provoquées.

 

La PAC au cœur du dispositif

 

La Politique Agricole Commune prend corps en 1957 avec la signature du traité de Rome, qui prévoit que les barrières douanières seront supprimées entre les Etats signataires. Le premier objectif assigné à la PAC est d’assurer l’approvisionnement alimentaire des consommateurs européens (dans les années 50, l’Europe est très déficitaire en produits agricoles). Mais, pour y parvenir, il faut garantir aux agriculteurs un revenu suffisant, alors qu’à l’époque il est notoirement inférieur à celui du reste de la population. D’où la multiplication des primes et des subventions… filtrées par la FNSEA !

 

Les effets ne tardent pas à se manifester : les agriculteurs, ceux dont le capitalisme a besoin, étant assurés de vendre toute leur production à des prix garantis, sont incités à produire toujours plus, y compris en recourant à l’illégalité (dépassement du nombre d’animaux autorisés sans aucune sanction, non-conformité des plans d’épandage jamais contrôlés). Plus fort encore, puisque si la surproduction est subventionnée, la sous-production l’est aussi !! On avait déjà les vaches fantômes en Corse, les jachères financièrement compensées. Ce sont maintenant des primes juteuses qui sont allouées aux producteurs porcins qui renoncent à produire des porcs ! A quand des aides publiques pour les enseignants qui accepteraient de prolonger leurs vacances ?

 

La politique de « modernisation » se traduit donc par une course au rendement, c’est-à-dire en définitive par l’agrandissement et la concentration des exploitations… et donc l’élimination des autres. Avec engraissement régulier de tous les « partenaires » de cette grande fête : l’industrie chimique, les fabricants de matériel, les semenciers, les banques, les abattoirs, l’industrie agroalimentaire, la grande distribution, le syndicalisme majoritaire. La libre circulation des marchandises s’effectuera au détriment des contrôles, avec la complaisance souvent gracieuse des services vétérinaires. Tant pis pour la santé des consommateurs.

 

Et lorsqu’un ministre français de l’agriculture, Louis Le Pensec (qu’il ne s’agit certes pas de traiter en héros : il pouvait démissionner), s’exprimera à contre-courant de l’idéologie productiviste : « Je ne considère pas, quant à moi, que la compétitivité de l’agriculture européenne réside dans sa capacité à vendre des matières premières à bas prix sur le marché mondial », il s’attirera aussitôt les foudres de l’organisation mafieuse qu’est la FNSEA : « que la France déclare aussi officiellement pareil abandon de sa richesse et de sa puissance est révoltant ». Une FNSEA qui s’acharne à dissimuler sous les oripeaux de l’unité du monde paysan la domination du capitalisme industriel, c’est-à-dire la transformation d’une partie des agriculteurs en chefs d’entreprise et le reste… en nouveaux prolétaires. Une FNSEA qui appelle toujours à manifester pour obtenir de l’argent… dont elle assurera la distribution aux plus aisés, sans remettre en cause le modèle productiviste, au nom de la modernité. Jusqu’aux évêques européens qui ne trouvent pas la PAC joyeuse, même s’ils marchent sur des œufs en déclarant que « le traitement respectueux de la création a trop souvent été sacrifié au profit de la seule productivité et des bénéfices » !

 

Le défi alimentaire

 

Certains pourraient penser qu’une société productiviste engendre l’abondance pour tous. Fatale naïveté ! En leur fournissant des farines animales,  l’homme a « oublié » que la nature avait fait les vaches végétariennes ; il semble aussi avoir oublié que le but premier de l’agriculture était de nourrir la société… L’enjeu majeur concernant ce secteur d’activité est effectivement, à long terme, de savoir si l’évolution des pratiques agricoles, de l’environnement et de l’organisation sociale permettra de nourrir les neuf ou dix milliards d’êtres humains que la planète comptera dans un demi-siècle. Le problème se situe à deux niveaux : la production et la répartition.

 

Concernant la production, les perspectives à long terme ne sont pas nécessairement réjouissantes si les tendances actuelles persistent. La production globale dépend de plusieurs paramètres dont la plupart tendent vers une diminution de cette production.

° La démographie : même si les courbes d’évolution (source : ONU) font clairement apparaître le ralentissement de la croissance démographique, conduisant à une stabilisation de la population autour de neuf milliards d’habitants en 2050 (contre six milliards aujourd’hui), les trois milliards supplémentaires représentent une augmentation importante des besoins, et font de la question démographique un problème loin d’être négligeable.

° La surface des terres cultivées : même si, dans différentes régions de la planète, des superficies plus ou moins importantes ne sont pas mises en culture, et constituent donc une réserve, la tendance globale joue plutôt en sens inverse. Chaque année, l’agriculture mondiale perd près de 1 % des terres cultivées. La course à la productivité a conduit à une surexploitation des terres : les sols s’épuisent et sont de plus en plus pollués. Par les effets conjugués de la dégradation des sols (érosion, désertification et surtout salinisation due aux eaux d’irrigation) et de l’urbanisation, l’humanité pourrait perdre seize millions d’ha de surfaces agricoles par an au cours des prochaines décennies. Par ailleurs, la pollution des sols contraindra, dans un avenir relativement proche, à développer de manière significative l’agriculture biologique dont les rendements sont nécessairement moins élevés.

° L’effet de serre : il risque de modifier considérablement les conditions de la production agricole. Dans les régions touchées par l’extension des zones désertiques (Afrique), les rendements agricoles chuteraient de 10 à 30 %. La multiplication des phénomènes météorologiques exceptionnels (cyclones, inondations, sécheresses et autres orages violents) pourrait détruire régulièrement les récoltes dans les zones à risques.

° La diminution prévue des ressources disponibles en eau aggrave encore la situation, tant au niveau alimentaire lui-même (boisson, transformation des aliments) qu’agricole (irrigation).

° Le mouvement de résistance aux OGM (pour ceux qui entretenaient des illusions), dû aux risques encourus, aux rendements décevants et à la dépendance accrue des paysanneries, interdit de compter sur l’apport des biotechnologies.

 

Construire l’égalité

 

Les perspectives plutôt moroses de la production agricole rendent encore plus crucial le problème de la répartition. Alors que la norme alimentaire minimum est d’environ 2300 calories par jour et par habitant, la production agricole mondiale correspond en moyenne à 2700 calories : il n’y a donc pas de déficit global. Or 800 millions de personnes sont régulièrement sous-alimentées. Selon la formulation de Sylvie Brunel (« La faim dans le monde »), la sécurité alimentaire est atteinte lorsque toutes les personnes ont accès à tout moment aux aliments nécessaires pour être en bonne santé et mener une vie active. Même lorsqu’un hypocrite Premier ministre de gauche en appelle au « civisme commercial » face à la loi de la jungle, le capitalisme est incapable de parvenir à une « maîtrise  de la production » parce que la surproduction génère davantage de profits (la seule tentative de limitation de la production de lait par l’instauration de quotas a conduit à la disparition de la moitié des producteurs en cinq ans !). Il est aussi incapable de garantir l’accessibilité de tous à la nourriture, parce que l’augmentation des profits s’accompagne inévitablement d’une baisse du pouvoir d’achat des populations, sans doute l’une de ses contradictions fondamentales. Il faut ajouter au nombre des responsables les dirigeants de certains régimes qui utilisent la faim comme arme de guerre, et dont l’objectif est l’élimination des minorités, le contrôle total de la société.

 

Devant l’insatisfaction grandissante, la mystification du réformisme risque de passer de plus en plus difficilement. La renégociation de la PAC pourrait apparaître à beaucoup pour ce qu’elle est : un cautère sur une jambe de bois. Seule une organisation sociale fondée sur les principes de l’anarchisme peut résoudre le problème de la production alimentaire aux deux niveaux. Celui de la production : sauf à considérer les populations comme majoritairement masochistes, aucun motif autre que le profit ne peut justifier une course à la surproduction : une coordination des statistiques ainsi que l’expérience permettront de définir les quantités de production correspondant aux besoins réels des populations. Celui de la distribution : l’égalité économique garantira à tous l’accès à une nourriture de qualité. Il n’a sans doute jamais été aussi urgent de passer de la résistance à l’offensive, de coordonner les luttes pour qu’enfin, et entre autres, les peuples puissent décider eux-mêmes de leur propre alimentation, contre les prétentions de l’OMC, des McDo et autres prédateurs.

 


 

 

 

 


 

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