LUTTES ANTI-PRECARITE

QUEL BILAN ?

 

Le gouvernement a finalement retiré lundi 10 avril l’article 8 de la loi cyniquement appelée « d’égalité des chances » instituant le Contrat Première Embauche pour le remplacer par un énième dispositif de contrat aidé dont les dispositions légales seront entérinées dans les jours qui viennent. Ce contrat va faire l’objet de nouvelles exonérations de cotisation sociales pour les patrons, encore un cadeau de 150 millions qui va vider les caisses de sécurité sociale et de retraite, et s’ajouter aux 20 milliards d’euros d’exonérations annuelles que nous donnons tous aux actionnaires par le biais des impôts directs et indirects.

 

Nous ne pouvons que nous féliciter de voir un mouvement social vainqueur, ce qui n’avait pas été vu depuis 1995. Faire reculer ce gouvernement réactionnaire est un vrai plaisir. Pour autant, le reste de la loi d’égalité des chances LEC instituant l’apprentissage à partir de 14 ans, et le travail de nuit à partir de 15 ans, ainsi que le contrat de « responsabilité parentale », véritable outil de contrôle social, ainsi que le Contrat Nouvelle Embauche, qui concerne 400.000 salariés, s’appliquent. Les étudiants, lycéens, et dans une moindre mesure les salariés avaient élargis leurs revendications au retrait de l’ensemble de ces mesures anti-sociales. Il n’y avait jamais eu autant de personnes dans la rue depuis 1968. Mai 1968, plus grande grève générale de l’histoire de France, avait permis d’obtenir, non la révolution sociale (souhaitée par de nombreux étudiants mais par assez peu de salariés), mais une augmentation du SMIC de 30 %, des salaires en moyenne de 10% et la reconnaissance des sections syndicales d’entreprise, mesures hautement réformistes, mais constituant des avancées sociales sur lesquelles les patrons reviendront principalement à partir de l’avènement de la gauche mitterrandienne.

 

Alors comment expliquer que ce mouvement n’est que partiellement réussi ?

Le mouvement « anti-CPE » a massivement mobilisé pendant plus de 2 mois les étudiants et lycéens, mais seul une partie du salariat s’est impliqué dans le mouvement. Si l’opinion soutenait à une forte majorité le mouvement, on la sait très versatile, et les médias font très bien l’affaire…quand il s’agit de faire la différence entre un « bon » et un « mauvais » manifestant… Le lumpenprolétariat de banlieue et les chômeurs, trop occupés dans la débrouille individuelle, n’étaient pas présents. Et même, à Paris, les « jeunes de banlieue » ont pris pour cibles les cortèges syndicaux et étudiants pourtant protégés par de solides cordons de gros bras CGT ou FO, la police laissant faire naturellement… La principale faiblesse du mouvement a été le faible taux de grévistes, la plupart des salariés présents dans les massifs cortèges des 7 mars, 28 mars et 4 avril avaient fait le déplacement sur l’heure de midi, donc sans même avoir à débrayer. Les autres, ceux qui restaient à la cantine de la boite, comptaient sur eux pour aller manifester. La délégation de pouvoir a encore frappé. Thierry Breton lui-même a ainsi déclaré devant un parterre de patrons : « rassurez-vous, l’économie n’est pas bloquée ». Et les blocages de voies de transport ou d’entreprise par les étudiants, ont commencés à être de moins en moins bien perçus par les salariés, qui n’étaient pas en grève. L’autre aspect important a été le rôle joué par les confédérations syndicales et leurs appareils bureaucratiques. Il est clair pour ceux qui en doutait encore qu’aucune d’entre elles n’a la volonté d’appeler à la grève générale, ni même à la grève reconductible, trop occupées qu’elles sont à se partager les subsides de l’Etat et les places dans les instances co-gestionnaires, qui aux caisses de la sécurité sociale, qui dans les cabinets de reclassement… A moins qu’elles y soient contraintes un jour par leurs adhérents et au delà par l’ensemble du monde du travail, seuls 8% des français étant syndiqués ….

Le 4 avril, (la plus grosse manif du mouvement, malgré l’annonce pitoyable de chirac d’aménager le CPE le 31 mars) plus de 3 millions de personnes sont dans la rue. Dans la foulée, aucune confédération ou organisation syndicale étudiante ou lycéenne ne se prononce y compris pour une nouvelle journée d’action, elles se contentent de caler un « ultimatum parlementaire » au 17/04 pour l’abrogation du CPE, alors même que les gens les plus motivés ont déjà en tête de profiter de la force potentielle du mouvement pour revenir sur tout un ensemble de mesures anti-sociales, en particulier la LEC, le CNE, etc...

 

Pour la jeunesse, le refus du gouvernement de négocier dans un premier temps (en entendant davantage la rue qui ne manifeste pas que celle qui manifeste) a pu favoriser, par le biais de discussions, une forme de prise de conscience sociétale. Ceci dit, cette radicalisation apparente n’a pas fait l’objet d’une politisation importante de la jeunesse, assez rétive à toute forme d’organisation par peur de récupération. Ce mouvement globalement anti-gouvernemental n’a pas pris la forme d’un mouvement anti-capitaliste et anti-étatique, malgré la répression judiciaire et policière, preuve en est la maigreur des cortèges étudiants ce 11 avril, après l’annonce du retrait du CPE. Rennes 2, à la pointe du combat, a voté à 2300 voix contre 2000 la fin du blocage hier.

 

Qui gagne à l’issue de ce mouvement ?

Bien sûr, et cela est heureux, sur le plan économique les premiers concernés sont les jeunes de moins de 26 ans, qui n’auront plus l’épée de damoclès du licenciement institutionnalisé. Mais aussi, les organisations syndicales, qui, à la veille de leurs congrès confédéraux (pour la CFDT et CGT) se donnent une image de combativité auprès de leur base, et d’utilité dans la défense des droits sociaux auprès de l’ensemble du salariat. Ensuite, la gauche plurielle, qui quelques mois avant 2007, se refait une virginité politique à peu de frais : « vous avez vu ce que fait la droite, grâce à nous, vous vivrez mieux ! ». La droite sarkosyste, quant à elle, s’est montrée incontournable et a pu montrer un certain sens des responsabilités dans la « gestion de la crise ». Elle a donc bénéficiée du discrédit tout relatif d’ailleurs de De Villepin, qui a « su arrêter une grève » en ne reculant que sur un bout de la LEC.

En définitive, on peut dire que le CPE a été l’arbre de la précarité qui a caché la forêt du capitalisme et de l’autoritarisme de l’Etat. Le CPE est davantage devenu un symbole de lutte politique avec les arrières pensées électoralistes de 2007, qu’une réelle nécessité pour les patrons : « grâce » à 30 ans de politiques de précarisation de gauche comme de droite, il existe déjà de multiples contrats précaires, et le CDI n’est en rien une garantie contre les licenciements, tous les jours nous en avons la preuve. Le PDG de McDo France et Le Duff du groupe « la brioche dorée » ont ainsi déclarés dans Ouest-France être opposés au CPE : ce « coup de pub » destinés à leurs jeunes consommateurs montre aussi qu’ils n’en ont pas besoin pour nous tondre la laine sur le dos !

 

Que va t il rester du mouvement social ?

La force de ce mouvement est qu’il a réussi à gagner, même de façon très partielle : il réhabilite donc l’adage préféré des anarchistes : « seule la lutte paye ! ». Il redonne confiance à l’ensemble du salariat dans la lutte collective pour l’amélioration des conditions économiques, et de cela, nous en avions bien besoin, car les effets s’en font bien davantage sentir que le référendum du 29 mai 2005, dernier raté du pouvoir politique qui ne l’a absolument pas freiné dans ces mesures anti-sociales.

Pour pouvoir gagner à nouveau à l’avenir, et pour pouvoir porter un projet social émancipateur, il est crucial que les acteurs de ce mouvement s’organise dans la durée sur des bases autogestionnaires, anti-étatiques et anti-capitalistes dans un objectif révolutionnaire. En effet, le système capitaliste et son corollaire l’Etat, basé sur l’exploitation de la majorité par une minorité ne s’arrêteront que le jour où nous serons assez forts pour les mettre à bas.

 

 

Pierre,

Militant CGT PTT 35

Groupe la sociale

Fédération anarchiste de rennes

 

 

 

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