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FEDERATION ANARCHISTE

Rennes

 

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Privatisation totale de France Telecom: l’Etat continue la casse du service public et du statut des personnels.

(article paru dans le Monde Libertaire N° 1333)

 

Petit rappel historique:

Printemps 1990: La loi Quilès divise l'administration des PTT en 2 entreprises La Poste et France Telecom.

Novembre 1991 : signature du premier contrat de plan à la Poste et FT.

Avril 1996 : le gouvernement Juppé annonce un projet de loi sur la privatisation de FT.

Mai 1996 : adoption de la loi de déréglementation du secteur des télécoms. Ouverture totale à la concurrence.

Juillet-Août 1996 : adoption de la loi sur l’ouverture du capital de France Telecom.

Septembre 1997 : le gouvernement Jospin met en oeuvre « l’ouverture de capital » de FT, c’est à dire l’introduction d’une partie du capital de l’entreprise en bourse.

 

Entre temps, différents rapports et autres livres blancs rédigés par la gauche ou par la droite auront « recommandé » la privatisation de FT. A noter que la gauche, (François Hollande, Dominique Strauss Kahn en 1997) se sont élevés contre la privatisation de FT. Jospin a signé en 1995 une pétition de SUD PTT contre la privatisation. C’était avant que ces messieurs reviennent « aux affaires »)

 

Conséquence de la déréglementation des PTT et en particulier pour le secteur des télécoms?

 

Les bureaux de postes ferment les uns après les autres en campagne, de plus en plus de tournées de facteurs se font « à découvert » (c’est à dire que l’usager ne reçoit pas son courrier du jour), les boîtes aux lettres et les cabines téléphoniques disparaissent, les délais d’ouverture de ligne téléphonique et le prix du forfait téléphone explosent, les points paiements (qui permettent aux clients les plus précaires de régler leur facture) ferment, les "clients" _on ne parle plus d'usager, ça fait "Jurassic Park" paraît-il sont sommés de régler leur facture dans les 15 jours, sinon leur ligne est coupée...

Les nouveaux opérateurs de téléphonie fixe et mobile sont des concurrents sur des parts de marchés à prendre. La direction de FT veut faire du chiffre à l’international, et donc achète Orange au prix le plus fort du marché (50 Milliards d’Euros !) et Equant (3,5 Milliards d’Euros), filialise à tour de bras (il existe plus d’une centaine de filiales de France Telecom en France et à l’étranger), et est cotée en bourse. Le personnel est pressuré, subit des mutations, des changements de grades et de statuts…Des plans sociaux plus ou moins déguisés ont lieu, en priorité dans les filiales. France Telecom est maintenant une société anonyme. Pendant ce temps, le chiffre d’affaires augmente et le nombre de salariés (plus de 200.000 avec l’international) diminue.

La dette « record » de 70 Milliards d’Euros de France Telecom n’est que la suite logique de la gestion capitaliste d’une entreprise qui se veut à vocation internationale, dans un marché supposé effervescent, et qui se casse la figure comme n’importe quelle start-up de vente de chaussettes en ligne sur le web. L’ex-PDG est Michel Bon. C’était « le PDG le plus mal payé » de France avec 1,2 Million de Francs par an. Pauvre, mais quand même ancien PDG de Carrefour (qu’il a quitté avec 20 Millions d’indemnités et stocks-options) et de l’ANPE, « pote de virée » avec Alain Juppé, et élu par l’ordre des dominicains à la présidence des « Editions du Cerf » fondées en 1929 par le Pape Pie XI. Il a surtout un « sainte » horreur des étrangers, des « gens à problèmes », bref les pauvres…). Il est maintenant chargé de mission dans un placard doré jusqu’à sa retraite…cette année à 60 ans. Thierry Breton, le tueur de Thomson est le nouveau PDG en charge du plan TOP. ( !) : dégager 45 Milliards d’Euros en 3 ans. Les contribuables sont ainsi passés à la caisse : recapitalisation de France Telecom à hauteur de 9 Milliards d’Euros en 2002 (après avoir engraissé les actionnaires, socialisons les pertes), nouveaux emprunts et surtout économies sur le dos du personnel par exemple voire cession de parts rentables du groupe…

 

Quelle nouveauté apporte le projet de loi de privatisation de France Telecom

adopté en Conseil des Ministres le 31 Juillet dernier ?

 

Il est de notoriété publique que les patrons français (ou bretons par chez nous !) sont gentils, ce sont les autres les méchants. En l’occurrence, le gouvernement dit que la directive européenne[1] sur l'attribution du service universel ne lui laisseraient pas le choix quant à la redéfinition du service universel: C'est faux, car la directive européenne n'indique pas que les gouvernements des Etats membres doivent dessaisir l'opérateur historique de ces missions de service universel. Seules les missions de service public requièrent l’emploi de personnel fonctionnaire avec un Etat actionnaire majoritaire. L’Etat serait donc ‘le dos au mur’ avec l’obligation de privatiser totalement l’entreprise. Ainsi, le 21 Octobre, le projet de loi est passé directement devant les sénateurs sans être préalablement discuté à l'Assemblée Nationale. Il permet à l'Etat actuellement actionnaire à 56% de FT, de passer sous la barre des 50%.

 

Le projet de loi va continuer et renforcer la casse des statuts du personnel.

 

Pour les fonctionnaires, FT aurait la possibilité de niveler par le bas les grades en créant des grades proches de la Convention Collective des Telecoms. FT n’a plus embauché de fonctionnaires depuis 1995 alors que les textes indiquaient qu’elle avait la possibilité d’organiser des concours de recrutement jusqu’à cette date. Chaque fonctionnaire aurait la possibilité de « demander » un contrat de travail de droit privé, moyennant démission de son emploi de fonctionnaire. Super Choix quand on sait la précarité qui se généralise et les plans sociaux plus ou moins rampants dans le groupe FT. Les fonctionnaires dérogeront au statut de la Fonction Publique, pour tout ce qui concerne le droit du travail (représentativité, hygiène et sécurité, médecine du travail, service social) et que se sont les règles du privé qui s’appliquent pour les institutions représentatives du personnel. Le ministre en charge des Telecoms ne garantirait plus l'unité de la situation statutaire et sociale des personnels de la Poste et de France Telecom. Concernant la rémunération, les indemnités spécifiques seront modulées, entérinant ainsi avec de l’avance la mise en oeuvre de la rémunération globale (au "mérite") pour les fonctionnaires. Elle est déjà en place pour les droits privés, qu'on appelle aussi "privés de droit" par boutade. C’est pour la Direction un formidable outil de compression de la masse salariale et d’individualisation de la rémunération. France Telecom est son propre assureur chômage pour les fonctionnaires placés hors position d'activité. FT SA devenant une entreprise privée en tant que telle, la garantie d'emploi liée au statut des fonctionnaires pourrait être menacée. Pour les salariés de droit privé, c'est le régime général d'assurance chômage qui paierait les indemnités. Cela représenterait pour les agents une cotisation supplémentaire. Ce serait un outil supplémentaire de précarisation et de multiplication des recours abusifs aux CDD, les licenciements de CDI, etc…

 

Continuité et renforcement de la casse du service public.

 

Le projet de loi remplace la notion de service public par celle de Service "Universel", qui s'apparente en fait un service minimum de la communication. FT n’apparaît plus comme un exploitant public ou une entreprise nationale, mais est mentionnée comme une « entreprise ». France Telecom n'est plus soumis au contrat de plan avec l'Etat. Cela ouvre la porte au démantèlement de FT. Le service public serait fractionné en 3 parties: l'abonnement; le service de renseignements et l'annuaire; les cabines téléphoniques. Chaque partie serait proposée par appel d'offre auprès d'opérateurs de télécommunications privés (dont FT). FT est à ce jour chargé d'assurer certains services obligatoires, (Liaison RNIS, liaisons louées, commutation de données par paquet, services avancés de téléphonie vocale et télex). Cela ne sera plus le cas. Il n'y aura désormais plus de consultation publique via la Commission Supérieure du Service Public des Postes et Télécommunications ni de rapport quadri-annuel qui lui sera remis sur les évolutions technologiques et les besoins en service public. France Telecom avait obligation d'assurer l'accès au téléphone à toute personne en ayant fait la demande. Ce n'est plus le cas. Le réseau de FT appartient aujourd’hui à l'Etat, il appartiendrait dorénavant à la compagnie privée France Telecom, sans qu'elle ait d'obligation de le mettre à disposition. Il s’agit bien d’un vol de bien public au profit d'un propriétaire privé. FT ne serait plus conviée aux instances chargée de l'aménagement du territoire. Cela induira encore plus de différenciation entre les régions riches et pauvres. L'Etat perdrait la maîtrise des bandes de fréquences de télécommunications, des infrastructures et des réseaux de télécommunications.

La multiplicité des réseaux privés entraîne l'abandon des "économies d'échelle", et donc le service coûte plus cher au client final. Il y a risque de remise en cause de la péréquation tarifaire géographique qui fait qu'un montagnard paye le téléphone le même prix qu'un citadin, en particulier dans le cadre de la régionalisation.

 

Quelles luttes et quelles perspectives ?

 

Sous la pression des bourgeoisies internationales, l’Etat français comme les autres continue et finit de se désengager des entreprises publiques historiques dont la bourgeoisie technocratique française assurait jusqu’à présent la gestion suite à l’après deuxième guerre mondiale. Il fallait alors selon les termes du PCF « reconstruire la France ». En échange de quelques miettes, la paix sociale était assurée pour les patrons. Les réseaux publics (gaz-électricité, assainissement, poste et télécoms, transports routiers, maritimes et ferroviaires…) ayant été mis en place par les travailleurs et financé par les impôts de tous et toutes, ils sont maintenant viables, rentables et donc sources de profits pour les actionnaires.

Ces dernières années en Europe quand les opérateurs "historiques" de télécommunications ont été privatisés (British Telecom ou Deutsche Telekom), ils ont aussitôt procédé à des vagues de suppressions d'emplois se chiffrant par dizaine de milliers… Pour le groupe France Telecom, un accord cadre sur "l'emploi et la gestion prévisionnelle des compétences" a été signé par les habituels syndicats collabos de la boîte (CFDT, CFTC, CGC, FO) représentant moins de la moitié du personnel aux élections professionnelles. Il y est fait mention de "Plan de Sauvegarde de l'Emploi" (au fait, on dit «PSE » maintenant, car Plans de licenciements, ça faisait décidement trop lutte de classe !) qui se contente de reprendre le code du travail, donc la législation minimale. On y lit la mise en place de mutations forcées: si le salarié refuse le nouveau poste dans le cadre de la nouvelle mobilité FT, il se fait licencier. Vis à vis de l'opinion publique, l'Etat peut difficilement licencier du personnel alors que le gouvernement annonce qu'il souhaite diminuer le chômage. Thomson et ST Microelectronics sont des entreprises dont l'Etat était il y a quelques temps actionnaire majoritaire. A Rennes, ces entreprises largement bénéficiaires (373 Millions d’euros en 2002 pour Thomson, STM dispose de 2 Milliards d’euros de « cash » pour procéder à des acquisitions selon une interview donnée par le Financial Times Allemand au PDG de STM.) sont en train de connaître des plans sociaux. Avec la privatisation, les actionnaires se sentiront les mains libres de procéder à des "restructurations" qui feront monter le cours de leurs actions, et donc la rémunération de leur dividende, l'entreprise étant supposée plus rentable. Les salariés, eux, en connaissant le chômage et la précarité, auront une diminution de leur revenu, et parfois définitive. L'accord UNEDIC signé début 2003 a pour effet de radier ou diminuer les prestations sociales de 800.000 chômeurs, les spoliant d'en moyenne 8000 Euros: de l'argent pour lequel ils ont cotisés quand ils étaient salariés!

 

Dans l’immédiat, saisissons nous de toutes les occasions de luttes qui nous sont offertes, mêmes les plus pourries, et en l’occurrence, les préavis de grève déposés une semaine avant par la CGT et SUD PTT pour la journée du 21 Octobre en sont un bel exemple. A noter que ces fédérations appellent les Postiers à l’action le 23 Octobre…

 

Au delà des privatisations et de la question des licenciements, le seul moyen pour mettre un frein à la barbarie capitaliste, c’est de lutter tout ensemble, de favoriser la convergence des luttes, de tisser des liens interprofessionnels dans les bassins d’emplois avec ou sans les confédérations, qui semble-t-il n’en veulent pas. Pour ne pas rester entre convaincus de l’avant-garde éclairée, minoritaire et sectaire, il faut militer sans cesse auprès des travailleurs pour les convaincre de nous rejoindre et de s’organiser syndicalement et politiquement. Alors peut-être, avec la conscience de classe, l’espoir renaîtra et nous pourrons parler de révolution sans que cela paraisse un gros mot aux yeux de la majorité de la population.

 

 

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[1] Sur http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2002/l_108/l_10820020424fr00510077.pdf