Union Locale LA COMMUNE

FEDERATION ANARCHISTE

Rennes

 

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Les retraites : réforme inéluctable ou choix de société ?

 

Les anarchistes, qui souhaitent l'abolition du salariat, dissocient le droit et les moyens d'exister décemment du fait de travailler ou d'avoir travaillé (être "retraité" du travail) ou non. C'est pourquoi la revendication syndicale ne saurait nous satisfaire complètement ici au sujet des retraites... Nous concevons le syndicalisme comme un outil de préparation de la révolution sociale et libertaire. Toutefois, et notamment dans le contexte actuel de fortes régressions sociales, nous prenons part à toutes les luttes défensives (sécuritaire, éducation...), ici en ce qui concerne le système des retraites.

 

Qu'est-ce que le système de retraite par répartition?

 

Le système par répartition comme lien de solidarité entre générations date de 1945. Il se base sur 3 critères indissociables: l'âge de départ en retraite, le montant de la pension, et enfin la durée de cotisation. Les pensions des retraités sont financées selon le principe de la solidarité ouvrière, par les cotisations des travailleurs. C'est donc entre autre le ratio actif-inactifs qui détermine le financement des retraites. Les médias, le patronat, les gouvernements successifs de gauche comme de droite et même certains syndicats l'affirment: les principaux indicateurs démographiques ne laisseraient d'autre choix que d'augmenter la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite à taux plein. C'est ainsi qu'au sommet européen de Barcelone en Mars 2002, MM. Jospin et Chirac ont signé l'accord entérinant l'augmentation progressive d'environ 5 ans de l'âge de départ en retraite. Et pourtant, Mr Alain Juppé, qui avait si bien réussi en Hiver 1995 à faire descendre dans la rue les travailleurs du privé et du public sur la question des retraites a été tout récemment admis, à sa demande, en tant que très haut fonctionnaire d'Etat à partir en retraite à l'âge de 57, 5 ans...

En parallèle est mis en avant le financement des retraites par capitalisation. Les salariés se trouveraient donc devant le dilemne suivant: soit partir en retraite avec une pension moindre, soit travailler plus longtemps comme le propose certains "experts" dont la "créativité" semble sans limite. Les travailleurs ne souhaitant pas ou ne pouvant pas (physiquement ou intellectuellement) partir en retraite à 70 ans devraient chercher pour leur vieux jours un complément d'épargne individualisé auprès d'investisseurs privés (banques, compagnies d'assurance, ou même leur patron).

 

Qu'est-ce que la retraite par capitalisation et pourquoi le patronat veut-il la mettre en place?

 

L’argent consacré à une retraite par capitalisation (fonds de pension ou épargne salariale) ne sera disponible que dans X années et est bien entendu strictement individuel (pas question de solidarité). Le système par capitalisation amplifierait les inégalités dans la société, puisque les personnels les mieux rémunérés pourraient placer plus d’argent que les pauvres. Le montant de cette retraite serait partagé inégalitairement entre entreprises, entre secteurs et entre pays en fonction de la valeur ajoutée qui y est générée.

En transformant les salariés en actionnaires, ce système participerait au brouillage des positionnements de classe. Un-e salarié-e a intérêt a revendiquer un salaire plus élevée. Un actionnaire, quant à lui, souhaite maximiser les profits de ses investissements. Cela se fait au détriment des salaires et des matériaux entrant dans l’entreprise (ceux-ci étant eux-mêmes issus d’un travail d’autres salarié-e-s).

La retraite par capitalisation ne présente évidemment pas la moindre garantie financière à long terme pour les "bénéficiaires". Comment en effet une entreprise capitaliste pourrait-elle garantir la rentabilité de ses investissements dans un système concurrentiel ? En nous rappelant le scandale financier d'Enron, qui d'entre nous a envie de jouer sa retraite à la roulette?

De plus, les systèmes par capitalisation et par répartition ne pourront pas co-exister très longtemps. La répartition serait amenée à dépérir à terme. En effet, un haut rendement des fonds d'épargne retraite suppose des taux d'intérêt réels élevés qui pèseront sur la croissance, donc sur l'emploi, et une compression de la masse salariale pour obtenir des profits élevés. Les ressources du système par répartition seront ainsi atteintes. Enfin, des mesures seraient immanquablement prises pour faire baisser le montant des pensions, créant ainsi une demande pour la capitalisation et pompant les ressources de la répartition.

Les pensions versées aujourd'hui représentent près de 168 milliards d'Euros (1.100 milliards de FF), somme énorme qui représente plus de 10% du PIB ! Cet argent échappe aujourd'hui aux institutions financières. Le patronat souhaite pouvoir profiter des subsides d'une épargne individualisée, que celle-ci s'appelle fonds de pension ou épargne salariale, peu lui importe en définitive en tant que bénéficiaire de cette manne financière, qui lui servira à rentabiliser ses investissements boursiers et spéculatifs. Si les "responsables politiques" vont dans le même sens, c'est parce qu'ils sont gestionnaires du système capitaliste.

 

Quelques chiffres...

 

Les éléments économiques objectifs suivants démontrent très clairement la viabilité du système par répartition tel qu'il existe, sans être en rien révolutionnaire: Le rapport Charpin (sénateur et commissaire au compte) indique que la charge des retraites dans le PIB (Produit Intérieur Brut) passerait de 12 % aujourd'hui à 16 %, soit 4 points de PIB lissés sur les 40 prochaines années, en sachant que ces 40 dernières années, cette part avait été augmentée de 7 points. Cette "charge" avait été encaissée par la croissance économique. Avec une croissance modérée de 1,7 % par an (2,1% pour la période de "crise" de 1973 à 1996), le PIB aura doublé en 2040. Dans le même temps, la "charge" des inactifs n'aura été multipliée que par 1,25. Le seul vrai "problème" des retraites est avant tout politique : c'est celui du partage des richesses. Ainsi, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est passée de 70 % en 1980 à 60 % aujourd'hui.

Depuis 1945, l’augmentation de la productivité a permis au patronat d’accaparer des profits considérables, au détriment des salariés et des retraités. Un nouveau partage des gains de productivité doit servir à payer les retraites des travailleurs ayant générés ces richesses ! Un transfert de 0,5 point de productivité par an suffit à résoudre la question du financement des retraites jusqu'au point critique de 2040. Le retour à 37,5 annuités des salariés du privé coûtera environ 4 Milliards d'Euros par an. A titre de comparaison, le trou financier du Crédit Lyonnais coûtera aux contribuables 16 Milliards d'Euros, les exonérations de charges patronales étaient de 18 Milliards d'Euros en 2002, et le budget militaire de 40 milliards d’euros (en augmentation de 6,1%) en 2003.

 

Un choix politique

 

Pourquoi le capitalisme devrait-il décider du fonctionnement de notre société? Il est concevable que nous nous organisions collectivement pour décider comment partager les richesses produites. Cela s'appelle l'autogestion ! Pour nous, les principes de solidarité et d'égalité (économique notamment) doivent déterminer l'organisation sociale, et pas les marchés financiers. Nous ne nous laisserons pas enfermer dans des débats techniques sur les évolutions démographiques et autres paramètres économiques soi-disant incontournables, alors que le problème fondamental est la nature de la société dans laquelle nous voulons vivre.

 

Quelles revendications pour quelles perspectives de lutte ?

 

Le système actuel de retraite par répartition, en tant que compromis historique réalisé dans le cadre d'un système capitaliste, entre la bourgeoisie et le monde du travail, ne représente évidemment pas la panacée pour des militants anarchistes et syndicalistes. Il est inégalitaire puisque les pensions les plus élevées sont servies aux anciens salariés les mieux payés, qui sont souvent déjà propriétaires de leur logement. L'inégalité existe aussi dans l'espérance de vie: les salariés ayant eu les travaux les moins pénibles physiquement et les plus valorisant intellectuellement vivent en moyenne plus longtemps que les autres, et donc profitent davantage de ce temps libre.

Cependant, étant donné le rapport de force actuel et les tentatives de division du salariat (privé-public), il convient à court terme d'être pragmatique en réclamant pour les travailleurs le maintien, le renforcement et l'amélioration du système actuel, système de solidarité entre générations, entre individus et entre professions. Toute autre revendication ne saurait être qu'un rideau de fumée de plus qui servirait en définitive les intérêts des patrons.

 

Nous exigeons dans un premier temps:

 

˜                  la retraite à taux plein avec 37,5 annuités de cotisation privé comme public, car c'est la durée moyenne d'une vie de travail pour les salariés du privé comme du public.

˜                  un montant de pension net minimum de 75 % du traitement brut dans le public comme dans le privé. Ce montant est déjà remis en cause, en particulier dans le privé, par les réformes de 1993 et 1996 des régimes complémentaires ARCCO-AGIRC.

˜                  l'abrogation des lois, réformes et accords anti-sociaux ARCCO-AGIRC

˜                  une augmentation des minimas sociaux: minimum vieillesse et minimum contributif en particulier. Celui-ci concerne 40% des retraités (2,5 millions.) dont 70% de femmes . Il est inférieur au seuil de pauvreté, et est dans 90 % des cas payé seulement partiellement.

˜                  le départ en retraite à partir de 55 ans, le maintien d'un système par répartition intégrale.

 

Le financement de ces mesures réformistes devra être pris en charge par le patronat par la taxation des revenus financiers des entreprises, l'augmentation des cotisations patronales, et l'extension des assiettes de contribution patronale à l'ensemble de la valeur ajoutée. Comme finalité de notre engagement, nous souhaitons à terme la dissociation entre les revenus décents et l'activité professionnelle et l'abolition du salariat dans le cadre de l'auto-organisation des populations.

 

Comment l'imposer ?

 

Evidemment, le patronat ne paiera que sous la pression de la rue. La lutte pour les retraites est indissociable de la lutte contre les licenciements et pour les augmentations de salaire, et de la lutte pour la régularisation de tous les sans-papiers. En effet, les augmentations de salaires et la baisse du chômage impliquent des rentrées supplémentaires de cotisations. De même, la régularisation des sans-papiers, permettrait, non seulement en leur donnant des droits, de les dégager de leur situation néo-esclavagiste vis à vis de leur patron, mais rapporterait également des cotisations supplémentaires au régime par répartition.

Le 25 Janvier 2001, c'est précisément contre le rallongement de la durée de cotisation que les secteurs privé et public sont massivement descendus dans la rue. Le 1er Février 2003 et dans les luttes à venir, il faudra être mobilisé dans la rue et dans les boîtes, au côté des travailleurs en lutte des secteurs privés et publics, pour le maintien et l'amélioration de ce système de retraite. La solidarité de tous sera nécessaire. En effet, le MEDEF parle déjà d'augmenter le nombre d'annuités nécessaires dans le privé à 42,5 annuités dans 10 ans. Gageons, que "par souci d'équité", les politiciens du moment sauront alors faire passer la durée de cotisation des salariés du public à 40 annuités ... L'objectif étant à terme les 45 ans de cotisation.

A ce titre, le résultat du référendum sur la réforme du régime des retraites à EDF-GDF (280 000 salariés et retraités) est un signe très encourageant de la lucidité des travailleurs sur les enjeux et les rapports de classe en présence, y compris vis à vis des positions d'accompagnement de leur appareil syndical bureaucratique.

 

Les décisions du patronat et de l'Etat n'ont rien d'inéluctables. La motivation et la conscience de classe revenant, peut être pourrons-nous alors préparer la contre-offensive sociale généralisée. Les anarchistes ne situent pas leur projet social dans le cadre de l'expansion illimitée de la production de biens et de services, alors que certaines de ces marchandises ont peu d'utilité sociale, polluent et aliènent les individus, que ce soit sous forme d'exploitation ou de consommation "gadgétisée". C'est pourquoi, à terme, et une fois le système capitaliste mis à bas, il faudra que les travailleurs et les consommateurs gèrent ensemble et sans intermédiaire en fonction de leurs besoins, la production et la répartition de ces richesses.

 

Si la révolution sociale n'est peut-être pas pour demain, c'est aujourd'hui au côté des travailleurs en lutte que nous y travaillons !

Fédération          Anarchiste, c/o Librairie-Bibliothèque associative "La Commune", 9 rue Malakoff, 35000 Rennes

Tel/Rep : 02 99 67 92 87

www.falasociale.fr.st

 

 

 

 

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