Voilà
bientôt un an que les salarié-E-s de l’usine ST Microélectronics de Rennes se
battent contre la logique capitaliste de chasse au profit maximum, et que leur
détermination s’avère toujours aussi vive
de lutter contre la fermeture de leur usine, la délocalisation de leur
outil de travail et contre leurs licenciements.
Alors que l’État, (qui rappelons-le est aussi actionnaire à
hauteur de 17 % de STM) lâche ses molosses répressifs contre les
travailleur-SE-s en lutte, comme le 10 juin (voir M.L. n°1365), démontrant une
fois de plus, qu’il n’est que le bras du pouvoir patronal.
Un
petit retour en arrière sur ce combat, pour le moins exemplaire, semble
nécessaire afin de permettre de comprendre le chemin parcouru par ces salarié-E-s
qui pour la plupart n’avaient jamais participé à aucun mouvement social, et qui
se sont vus du jour au lendemain sacrifiés pour satisfaire la soif de profits
des patrons et des actionnaires. En une année de lutte, ils ont compris bien
des choses sur la nature du capitalisme, du rôle de l’État, de la justice de
classe, et des basses manœuvres des politicard-E-s de tous bords et des
louvoiements des fédérations syndicales.
L’usine,
qui s’appelait alors SGS, a été construite en 1967 sur un terrain aux abords de
Rennes. Le développement de la cité a fait que vers 1970, un quartier s’est
constitué aux alentours du site, quartier populaire où habitent de nombreux
salarié-E-s de l’entreprise. L’activité se développe autour de la fabrication de composants électroniques,
l’usine s’agrandit au rythme de l’évolution des technologies et ce
jusqu ‘en 2000, où une nouvelle extension pour la fabrication de plaques
de silicium 6 pouces, est financée par des subventions de l’État, de la région,
du département et de Rennes Métropole, présidée par E. Hervé maire PS de
Rennes. Le tout est inauguré en grande pompe avec le préfet Guéant qui
deviendra plus tard un des fidèles de Sarkosy au ministère de l’intérieur.
En
2001, suite à la chute d’activité, un
comité de diversification de l’activité est créé afin de trouver de nouvelles
productions à développer, comité qui s’avèrera n’être que de la poudre aux yeux
lancé pour masquer la volonté de délocalisation de la direction. Il faut savoir
que même en 2001, année la plus « mauvaise » pour bon nombre de
boîtes du secteur électronique, Intel
et ST Micro ont été les 2 seules boîtes d’informatique à continuer de faire des
profits.
En
2002, commençant à sentir que rien n’était fait pour relancer l’activité, les
salarié-E-s manifestaient pour la première fois lors de la venue de Jospin.
Aucune suite ne fut donnée aux entrevues qui se déroulèrent entre les
représentants du personnel et des membres du cabinet de Jospin. (on s’en serait
douté !) . L’usine emploie à se moment là 600 personnes dont 140
intérimaires, l’effectif permanent se partage entre à peu près 66% d’ouvriers,
20% de techniciens, et le reste de cadres administratif.
Dès
avril 2003, lors d’une réunion du
comité d’établissement, les élus salarié-E-s déposent un droit d’alerte, car
les prévisions de production baissent fortement pour la fin de l’année sans
explication. Le 12 Mai, 1ère manifestation à Montrouge au siège de
ST Micro France, pour un Comité Central d’Entreprise consacré à l’évolution de
l’usine de Rennes où pourtant le directeur du site de Rennes, Jean Pesneau
déclare « si un jour une décision négative devait intervenir concernant le
site de Rennes, au moins, il ne pourra être avancé comme motif d’une telle
décision des performances décevantes ».
Du
12 juin au 16 juin, suite au transfert
des produits vers l’unité de Singapour sans renouvellement pour Rennes il est
décidé un blocus des produits finis du site.
Les salariés demande pour avoir des réponses la venue sur le site d’un
responsable monde, qui ne viendra jamais. La production ralentie encore en
juillet et les intérimaires sont renvoyés avant la fin de leur contrat.
Le
21 août, au petit matin, le représentant des salarié-E-s reçoit
une convocation à une réunion le 3 septembre ayant pour ordre du jour la fermeture du centre de
Rennes. L’après-midi, 1ère manifestation dans les rues de
Rennes. Le 3 septembre, suite au CCE, l’annonce est faite le soir par une
simple dépêche de l’AFP de la fermeture
du site de Rennes pour fin 2004. Le 18 septembre, lors de la visite du ministre
des PME, manifestation (1500 personnes) avec le personnel de Thomson et de
Philips de Rennes, eux aussi concernés par des licenciements. Le 27 septembre,
2500 personnes défilent pour la sauvegarde de l’emploi technologique.
Lors
d’une émission Zone interdite sur M6 diffusée suite l’annonce de la fermeture
de l’usine, le président de ST France SA avoue « le site de Rennes est
industriellement rentable et performant ».
En
octobre, les politiques à travers Rennes Métropole (dirigée par le PS), et le
conseil général (à l’époque UMP-UDF) mettent en place des expertises, des
tables rondes, pour la reconversion du site espérant par là même désamorcer le
mouvement de lutte contre les licenciements.
Alors que les salarié-E-s tentent eux de faire invalider par la justice
la procédure de licenciement et de populariser la lutte auprès de leurs collègues des autres usines STM à Crolles
(où l’État, les collectivités locales et la région Rhône-Alpes avec le soutien
du PS, on investit 453 millions d’euros pour un projet commun à STM, Philips et
Motorola), de Tours et de Rousset. Le 27 octobre une nouvelle manifestation est
organisée, suite à quoi une nouvelle table ronde est organisée, la direction de
ST ayant le culot de bien vouloir s’engager sur une expertise mais pas sur les
résultats.
Le
14 novembre, les gendarmes mobiles jouent du tonfa pour empêcher les
manifestants de rencontrer F. Mer en visite à Rennes, Le ministre de l’économie
de l’époque allant jusqu’à les provoquer en estimant que « la fermeture
des usines font partie de la vie industrielle » et glorifiant l’attitude
exemplaire de la direction de STM. Le 18 novembre, suite à la mise en route
officielle de la procédure de licenciement, le personnel décide du blocus du
site, le 22, ils rebaptisent du nom de « boulevard de la lutte » la
rue de leur usine,
Le 11 décembre, la direction assigne 28
salarié-E-s pour entrave à la liberté d’entreprendre et problème de sécurité
alors que 2 entrées sur 3 sont libres d’accès, elle sera déboutée par le
tribunal. Le 22 décembre, une quarantaine d’intérimaires portent plainte pour
recours abusif à l’intérim.
Le
19 janvier 2004, après une réunion agitée avec le directeur du site, les
salariés décident de le retenir dans une salle et font parvenir à la direction
parisienne leurs revendications, le lendemain, les CRS évacuent le directeur dans le calme. Suite à cela, la
paranoïa le gagne et on voit apparaître les vigiles et les maîtres-chiens de la
société Eurosécurité.
Le
26 février, nouveau déplacement à Montrouge avec des salariés des autres usines
du groupe, les CRS (presque aussi nombreux que les manifestants) les chargent
une nouvelle fois violemment (3 blessées). Le 2 mars, par signe de désespoir, 3
salarié-E-s décident d’entamer une grève de la faim sous la tente devant le
site, elles la cesseront 15 jours plus tard devant l’attitude méprisante de la
direction à leur égard. Le 5 mars, altercation musclée encore avec les flics
lors d’un meeting à Rennes de Douste Blazy
Le 25
mars, le CCE, les représentants syndicaux des salarié-E-s désignent un
mandataire pour demander devant la justice, l’annulation de la procédure du
licenciement collectif pour motif économique en cours, puisque l’usine est
rentable et performante selon les dires de ses dirigeants . Le 26 avril,
arrivée des premières lettres de licenciement. Le 27 avril, lors de la
venue de Sarkosy à Saint Malo pour les élections, les forces de l’ordre
embarquent Jean-Marie Michel, un des animateurs de la lutte, avant qu’il n’ait
pu rentré dans la salle, il sera libéré quelques heures plus tard sous la
pression de ses camarades.
Le 8 juin,
suite à des pressions exercée sur leurs représentants au CCE par les
fédérations syndicales CFDT, CGC, CFTC, FO, la désignation pour l’action en
justice décidée le 25 mars est annulée.
Le 10
juin, au petit matin, les forces répressives de l’État interviennent avec une
violence inouïe pour protéger la sortie de trois camions chargés de déménager 6
testeurs destinés à l’usine de Singapour. Dans les heures et les jours qui ont
suivis, les petits nazillons d’Eurosécurité s’en prennent tant au salarié-E-s
qu’à leurs soutiens. Le 11 Juin, la fédération CGT et le CE de Rennes assignent
en justice la direction de ST à Nanterre pour absence réelle de cause réelle au
licenciement économique, Une cinquantaine de salarié-E-s font le déplacement,
délire, sur place, ils rencontrent pas moins de 18 cars de flics.Cette décision
de justice sera rendu le 2 juillet.Le 12 Juin, nouvelle manif à Rennes, 1000
manifestants. A l’heure d’écrire ces lignes, 226 personnes ont reçu leur lettre
de licenciement, 53 personnes ont accepté une mutation interne sur un autre
site.
LA LUTTE CONTINUE