Transport
gratuit : c’est possible !
Tract de la FA distribué à Rennes depuis septembre 2001
Depuis le 1er Mai 2001, la municipalité de Vitré
(Ille-et-Vilaine) a mis en place une mesure socialement intéressante et que les
anarchistes prônent depuis longtemps: la gratuité des transports en commun.
Cette gratuité s’applique en l’état au réseau de bus municipaux, géré par la
T.A.E. (Cariane, filiale de la SNCF).
« En un mois, la fréquentation des bus a doublé. Un
succès dû en partie aux scolaires et aux retraités. Une nouvelle donne à
intégrer dans un plan de déplacements urbains en gestation sur Vitré. Depuis le
1er mai, le député-maire Pierre Méhaignerie en a décidé la
gratuité. La ville verse à la TAE, qui assure le transport en régie, une
enveloppe de 1,20 MF et les recettes _Vente des titres de transport NDR_
ne s’élevaient qu’à 150 000 F. Autant aller jusqu’au bout de la logique
explique l’adjoint chargé des transports, Daniel Mouton. L’expérience devrait
être menée sur un an. Elle devra s’inscrire dans la durée si la volonté
politique suit. »[1]
Transports
gratuits : rupture ou continuité ?
Le transport gratuit présente de nombreux précédents :
en Wallonie, la ville de Mons a son réseau de bus intra-muros gratuit. En
région parisienne, la ville d’Issy les Moulineaux avec son député-maire UDF
André Santini l’a également mis en place pour son modeste réseau (TUVIM) de 3
lignes de bus assurant
la liaison inter-quartier et permettant la jonction avec les autres transports
en commun (les payants !) : le tram Val de Seine, le RER C, la gare SNCF,
le métro et les autres bus.[2]
Certaines municipalités l’ont
instauré très ponctuellement dans le cadre d’opérations de désengorgement du
centre-ville : à Vannes, depuis plus de 6 ans, tout l’été, une navette
réalise 38 aller-retours par jour entre le centre-ville et les vastes parkings
du parc des expositions (5 km), la circulation et le stationnement en ville
étant de fait impossibles à cause de la trop grande concentration de
population. A Groningue, aux Pays-Bas, des
aménagements de « Park & Ride » ont été installés sur la
périphérie de la ville. Ils offrent du stationnement pour les voitures et pour
vélos, et on peut y prendre un bus gratuit pour le centre-ville. Dans le cadre
d’opérations
anti-pollution, la gratuité du transport en commun est parfois assurée :
journée sans voiture à Poitiers, lors de grands pics de pollution à Paris.
A Quimper, la semaine du 23 septembre 2000 a été celle de l’expérimentation du bus à bas prix, avec une journée bus gratuit. Cela fit réagir vivement le sénateur Alain Gérard, élu de l’opposition RPR locale, qui témoignait : « promouvoir l’usage du bus ne peut-être qu’une excellente chose. Tel que cela a été fait, c’est un immense gâchis (…) les questions que l’on doit se poser à l’issue de cette semaine expérimentale sont nombreuses : (…) les commerçants ont-ils identifié de nouveaux clients ? Les seuls bénéficiaires de cette semaine sont-ils les habitués du bus, heureux de ne payer que 2 F ? Il faut que tous les acteurs de cette opération se concertent pour en garantir le succès : transporteurs, usagers, commerçants.» A ce propos, lors des dernières municipales, le chef de file de la liste de gauche alternative « Kemper 2010 », née d’une scission avec les Verts, a exprimé son point de vue : «Quand on veut le bus gratuit, il faut avoir l’honnêteté de dire que cela représente 10 % d’impôts en plus. Le laxisme financier aboutit à une perte de marge de manœuvre politique ». On voit bien que pour les élus politiques, la gratuité doit s’inscrire dans un cadre politique et économique particulier : il faut que la gratuité rapporte au commerce privé et qu’elle soit financée par de l’argent public (les impôts).
Souvent, le transport gratuit est
mis en place pour faciliter l’accès aux grands centres commerciaux, où la
consommation est garantie à l’avance: à Romans, dans la Drome, MacDonald offre
le bus gratuit aux lycéens qui viennent manger. Souvent, les parkings
sous-terrains des galeries marchandes situées en centre-ville sont gratuits
pour la durée de l’achat ou en échange du ticket de caisse.
Le transport en commun est
également gratuit dans des zones à très fortes concentration humaine où la
rentabilité est d’ores et déjà assurée : système de navettes dans les
stations de sports d’hiver, entre le centre-ville et les boîtes de nuit en
province, entre les aérogares d’un même aéroport, entre la gare de Compiègne et
les différents pôles de l’Université Technologique de Compiègne (Université
privée). Lors du sommet européen de Nice les 7 et 8 décembre 2000, le
stationnement et le réseau de bus étaient gratuits…
Dans ces conditions, quoi de neuf à Vitré ?
Vitré est une petite ville d’environ 16.000 habitants, dont
les caractéristiques sociales et culturelles sont très marquées[3]:
Vitré est la capitale de la démocratie chrétienne : en l’espace d’une
année s’y sont tenues les « Journées de la foi », le congrès
départemental de la CFTC, et un rassemblement national de Jeunes catholiques
militants. On y dénombre pas moins de 4 églises. Les vitréens ont également eu
droit à l’édition spéciale locale d’un autocollant pour le Jubilé de l’An 2000 !
La ville de Vitré est le fief électoral de Pierre
Méhaignerie depuis 1977. Il a été réélu en Mars dernier dès le premier tour
avec 66 % des voix. Son parcours politique est celui d’un politicard
d’envergure nationale : maire de Vitré, député français et européen,
président du conseil général, chef de parti du C.D.S. (Centre des Démocrates
Sociaux, actuellement Force Démocrate), secrétaire d’Etat et plusieurs fois
ministre (agriculture, équipement et transports, justice). Méhaignerie compte
dans sa famille 2 frères curés et une bonne sœur. En tant que président du
conseil général, il est à l’origine du Campus privé de Ker Lann à côté de
Rennes. De plus, il est actuellement impliqué dans une affaire du détournement
d’argent public (400.000FF) au profit du C.D.S. dans le cadre de l’attribution
des marchés publics des lycées d’Ile de France.[4]
Ses grands chevaux de bataille théoriques sont le
« contrôle de la dépense publique » et la
« décentralisation » via l’interrégionalité. Il milite pour
l’intercommunalité, pour le Sénat des communautés de communes, pour des régions
fortes dans une Europe fédérale et pour une représentation des intérêts privés
au sein des organismes décisionnels dans le cadre de la création des
« pays ». En ce sens, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement
avec l’institut de Locarn, surnommé le « Davos Breton ». Cette école
de pensée située en Bretagne intérieure est le bras armé théorique de la droite
dure catholique (très proche de l’Opus Dei). S’y retrouvent les principaux
lobbys patronaux (Glon, Le Lay…)
réactionnaires et régionalistes.[5]
Pour réaliser ses objectifs ultra-libéraux, il s’appuie
sur l’Observatoire National de l’Action
Sociale Décentralisée (O.D.A.S.), dont il est président. De part ses statuts,
l’O.D.A.S.[6]
identifie les caractéristiques de l’action sociale des communes et mesure les
évolutions de leurs politiques sociales : « L’approche globale de la
réponse sociale ne sera en effet opérante que dans un cadre partenarial et
toujours plus décentralisé ». L’ODAS a édité un guide destiné aux
départements : « Piloter l’aide sociale : guide
d’indicateur ».
Pierre Méhaignerie a souhaité en tant que président du
département, faire de l’Ille-et-Vilaine une vitrine de l’action sociale
départementale notamment à travers sa théorie du droit à l’expérimentation. En
2000, il a expérimenté un service de garde à domicile à horaires décalés au
niveau du département , en réponse à la flexibilité apportée par la mise en
place des 35h. Ceci pour permettre aux parents d’aller bosser le Week-End, et
en semaine le matin avant 8 h pour rentrer après 19h. L’offre et la demande de
ce service sont diffusées sur un site Internet en temps réel. Aujourd’hui,
c’est dans ce cadre que s’inscrit la mise en place du transport gratuit à
Vitré.
De
la récupération d’une revendication sociale à l’expression d’une volonté
politique nauséabonde.
Les théories politiques de Mr. Méhaignerie peuvent donc
s’exercer pleinement dans cet environnement favorable à l’implantation d’une doctrine
sociale très inspirée par celle de l’église catholique. Pierre Méhaignerie a
fait du transport gratuit le thème central de sa campagne de réélection aux
rênes de la mairie. Il faut dire qu’à Vitré, son influence est énorme : le
candidat « Vert-Citoyen » ira jusqu’à trahir ses alliés pluriels lors
de l’élection en lançant au dernier moment une liste concurrente sur son seul
nom, en mentionnant la nécessité de la candidature d’une personnalité politique
d’envergure comme Méhaignerie.
Méhaignerie, dans l’obligation de faire des choix
politiques dûs à la loi anti-cumul de mandats choisira ainsi de se présenter à
Vitré pour délaisser le département, dont il était président. Et pour
cause : la commune est l’échelle humaine lui permettant de mettre en pratique
ses théories de décentralisation qui cachent très mal la volonté de casse des
services publics et des acquis sociaux. Dans ce cadre, le transport gratuit est
le cache-sexe de sa politique antisociale.
A titre d’exemple, à Vitré, le taux de chômage est le plus
bas de Bretagne : 4,7 %. Et pour cause, on y compte une agence d’intérim
pour 1. 778 habitants ! Soit 3 fois plus en proportion que la grosse ville
voisine de 35 kilomètres, Rennes, qui compte une agence d’intérim pour 5. 555
habitants. De même, l’usine « Mitsubishi Electric » de production de
téléphones portables a touchée des millions de francs d’argent public pour
s’implanter sur le territoire de la communauté de communes du bocage vitréen.
Depuis Janvier 2001, ce sont 920 employés (sur un total de 2000) de cette
entreprise qui ont été licenciés, tous salariés d’entreprises de travail
temporaire.[7] Dernier
exemple de la politique sociale-catholique qui détermine la vie des habitants
de la commune : La discrète famille Rozé, propriétaire de la Société
Vitrénne d’Abattage (S.V.A., 1er abattoir français, CA : 3,5
Milliards FF), est la 343 ième fortune de France.[8]
Elle procède à une exploitation éhontée de ses salariés : les conditions
de travail y sont particulièrement déplorables.
Le terrain de la commune permet à Méhaignerie de mettre en
pratique en maître incontesté (et sur un sujet fédérateur…) sa théorie du droit
à l’expérimentation. Pour un investissement financier relativement modeste pour
la municipalité, la plus-value personnelle que Méhaignerie peut en tirer en
terme d’image est énorme : c’est la raison pour laquelle cette mise en
place des tranports gratuit est si médiatisée.
La
mise en place du Transport gratuit à Vitré.
En 1978 la municipalité de Vitré décide la création d'un service urbain.
C’est une ville très dense avec plus de 5000 habitants au km². Le centre-ville
est donc très rapidement saturé de véhicules en heure de pointe. Au niveau
financier, l'exercice est simple : le réseau coûte 1,30 Million de Francs par
an pour 150.000 FF de recette apportés par la billetterie.[9]
Le réseau se compose de 8 lignes de 6h45 à 19 h15 sur cette commune de 16000
habitants sur 3 km².
Avant cette opération, les bus roulaient quasi-systématiquement à vide, y compris en heure de pointe, le centre-ville étant par contre surchargé en véhicules. A noter également qu’une piscine privée pharaonique a été construite en pleine campagne à plusieurs kilomètres du centre, l’entrée étant fixée à 23 FF plein tarif. (après que la municipalité ait fermé la piscine publique, dans le centre-ville, dont l’entrée était à 15 FF). Il convenait donc d’amener bon nombre d’amateurs de plongeons à cette piscine : une ligne de bus a ainsi été spécialement créée…
« Depuis que la gratuité a
été instaurée, un comptage réalisé fin mai a recensé 450 à 500 personnes les
jours scolaires, soit une augmentation de 80 à 100 %, et près de 200 personnes
le Week-End. Les pics interviennent essentiellement le matin de 7h45 à 8h30 et
le soir de 16h30 à 17h30 avec les scolaires. L’objectif de l’opération consiste
à réduire les entrées des voitures en ville aux périodes des entrées et sorties
des classes. Parmi les utilisateurs actuels, un sondage effectué par la
municipalité indique qu’un tiers des utilisateurs prenait le bus auparavant, un
autre tiers se déplaçait à pied, et le dernier tiers prenait sa voiture.
L’adjoint municipal aux transports indique : il sera difficile de
revenir sur cette mesure, les gens vont s’y habituer. C’est l’avis de Loïc,
chauffeur de la T.A.E. : on a déjà refusé l’accès au bus à des
personnes car il y avait trop de monde. De plus, il existe des points
d’engorgements à chaque fois que l’on passe au lycée. La municipalité se
veut rassurante : s’il y a surcharge à certain moment, nous
envisagerons des modifications »[10]
Ce sont donc en priorité les personnes âgées et les
scolaires qui utilisent davantage le bus qu’avant, nous disent les médias. Or
ces 2 catégories de population n’ont que peu ou pas le permis de conduire,
elles prenaient donc déjà auparavant le bus pour la plupart ou bien se
déplaçaient à pied dans un centre-ville peu étendu, selon leurs moyens
financiers (la fréquence des bus n’a pas été modifiée). Le bus est donc
d’autant plus attractif qu’il est gratuit et que les finances de l’usager sont
faibles. Les « études » officielles faites jusqu’à présent ne portent
pas sur la catégorie sociale à laquelle les nouveaux usagers appartiennent.
Est-ce vraiment un hasard ? S’il était démontré par ces études qu’une
personne à bas revenus prend davantage le bus depuis qu’il est gratuit (ce qui
paraît une évidence), cela pourrait donner des idées à certains…Effectivement,
25 personnes sur 40 déclarent dans notre mini-sondage prendre davantage le bus
parcequ’il est gratuit.[11]
Le journal de la municipalité rajoute : « Alors que la ville réfléchit au plan de déplacements urbains, force est de constater que le transport en commun, quelque peu délaissé jusque là au profit de la voiture, à bien sa carte à jouer ».[12] Le transport gratuit s’intègre donc dans une politique beaucoup plus large d’aménagement de l’espace urbain, et si certains se font la réflexion suivante « Déjà, la fréquentation semble avoir doublé ! Problème : s’il faut augmenter l'offre comment financer une telle mesure ? », la municipalité vitréenne pourrait apporter une réponse fort différente de celles des anarchistes.
Quelle conception du transport gratuit pour les
anarchistes ?
Evidemment la mise en place du transport gratuit _même en
société capitaliste_ est une avancée sociale, pour laquelle nous autres,
anarchistes, militons. La spécificité de Vitré par rapport aux expériences
précédentes en est la portée : ici, le transport gratuit touche tout le
monde, (et non pas seulement une catégorie précise de la population :
touristes, étudiants, consommateurs). La durée de l’expérience est d’une
année : délai suffisamment long pour mener les études nécessaires en terme
de retour sur investissement sur un cycle complet (saisons touristique, laborieuse
et scolaire). Très clairement, l’opération transport gratuit à Vitré s’inscrit
dans le cadre de la société capitaliste : sa durée étant limitée, si les
« chiffres » ne sont pas bons, l’opération ne sera pas pérennisée.
C’est également une opération politique, qui permet -à peu de frais- à
Méhaignerie de clouer le bec à l’opposition déjà divisée[13]…
En effet, seuls 10 % environ des recettes collectées par la T.A.E. provenaient
de la billetterie. Les anarchistes ont ainsi la confirmation que la mise en
place du transport gratuit est une réalisation tout à fait envisageable y
compris en société capitaliste. Ceci démontre la puissance de nos analyses et
la pertinence de nos propos en opposition avec la qualification habituelle de
« doux rêveurs » dont nous sommes parfois affublés.
Avant tout, il convient de s’inspirer de cet exemple
concret à des fins pédagogiques envers le public. Comme déjà évoqué lors de la
tournée de conférences « Gérons la ville nous Mêmes », la faisabilité
de la mesure en système capitaliste est avérée, Vitré nous en apporte la preuve
concrète. La lutte pour le transport gratuit est à articuler avec notre
conception du service public. Celle-ci comprend 2 axes principaux :
D’abord l’accès à tous sans exception. Ceci implique la gratuité : les revenus
de chacun étant très variables, c’est la seule garantie d’un même niveau de
service fourni à tous. Ensuite la gestion directe par un collège décisionnel
composé de travailleurs du service public, d’habitants et d’usagers du service.
Une assemblée générale de travailleurs et d’habitants exercerait le contrôle de
l’instance gestionnaire, sur la base du mandat révocable et impératif.[14]
Néanmoins, on peut affirmer d’ores et déjà que la
réalisation de la gestion directe ne peut s’envisager que dans le cadre d’un
mouvement social particulièrement puissant, voire révolutionnaire. En effet,
nous avons constaté cette année que lors de la grève, pourtant exceptionnelle
en durée et en force du Service de Transports de l’Agglomération Rennaise
(S.T.A.R.), les chauffeurs de bus rennais se sont peu reconnus dans la
revendication du transport gratuit.[15]
De plus, les « comités d’usagers » étaient composés des commerçants
les plus réactionnaires qui se plaignaient du manque d’affluence dans leurs
échoppes pendant la grève. Dans ces conditions, pratiquer l’autogestion dans le
cadre capitaliste peut être socialement dangereux. Ce n’est donc qu’au travers
d’une lutte sociale de très grande ampleur que cette revendication pourra
aboutir de manière non pervertie.
Il se pose ensuite la question du financement. Pour un
service rendu, le capitaliste en attendra la rentabilité, quand les anarchistes
en attendent la qualité. Ceci dit, pour que le service fonctionne, il faut bien
sûr prendre les moyens nécessaires. Méhaignerie finance le transport gratuit
par les impôts. Mais les impôts ne permettent pas de redistribuer les richesses
à égalité entre chacun : ainsi au niveau national, 1% des personnes les
plus riches ont en moyenne un revenu brut 15 fois plus élevé que les 10% les
plus pauvres. Après « redistribution », les premiers sont encore 7
fois plus riches que les seconds. De même, les habitants d’une même commune ne
sont pas non plus égaux face à l’impôt, puisque la taxe d’habitation (impôt
local) est basée sur la valeur locative d’un logement. Or celle-ci ne croît pas
dans les mêmes proportions que le revenu global de l’occupant. C’est donc un
impôt dégressif, qui pèse proportionnellement plus sur les bas revenus.[16]
En revanche, on observe que 75% des trajets effectués le sont
pour faire le trajet domicile – travail.[17]
De plus, les grands patrons et les cadres dirigeants ont la plupart du temps un
chauffeur à disposition, un véhicule de fonction, une carte professionnelle de
réduction de train : l’entreprise paye leur déplacements, y compris
privés. Il est donc tout à fait logique que ce soit les entreprises qui
financent les trajets de tous leurs salariés. Evidemment, la mise en place de
ce financement passe par une exigence forte de la part des usagers des
transports en commun.
Le mouvement révolutionnaire, par ses discours et surtout
ses pratiques, se doit non seulement d’en démontrer la faisabilité, mais aussi
d’en exprimer la volonté. C’est dans ce cadre que se sont déjà inscrites les
actions « Transport gratuit pour tous » menées par exemple par des
mouvements de chômeurs dans l’Ouest, les actions « Free Zone » des
« Collectifs Sans Tickets » bruxellois (anti-contrôle et prise de
contact avec des usagers), les actions trains gratuits lors de différents
sommets (Cologne, Nice…). De même dans la prochaine campagne fédérale de la
Fédération Anarchiste sur le Transport Gratuit. Les opérations « Zéro
Franc, Zéro Fraude » permettent de poser le problème au public dans les
grandes agglomérations.
A travers la question du transport gratuit, les anarchistes
traitent naturellement de façon beaucoup plus large le thème de la liberté de
circulation. En effet, celle-ci ne peut être économiquement atteinte et
garantie que par la gratuité, et dans un cadre d’égalité économique et sociale.
Nous devons de plus interpeller le pouvoir politique sur le droit qu’il se
donne à permettre aux marchandises de circuler librement, mais pas aux êtres
humains.
Concrètement, et sans attendre la révolution, la mise en
place du transport gratuit doit donc être exigée non seulement pour les
transports en commun dans les agglomérations, mais aussi pour les transports
longues distances. En effet, comment un chômeur de Bretagne sans revenu peut-il
se payer le luxe d’un entretien d’embauche à Marseille sans savoir s’il aura ou
non le poste ?
De même, il faut pouvoir s’inscrire à la mesure de nos
moyens dans des processus d’opposition aux décisions néfastes dictées par
l’intérêt capitaliste portant sur l’aménagement du territoire. Ainsi, en tant
que président du conseil général, Mr. Méhaignerie a beaucoup milité pour la
création de l’autoroute des estuaires, destinée à relier l’Europe du Nord à
l’Espagne en longeant la Manche et le littoral Atlantique. Avec 400 Millions de
Francs par an, l’Ille-et-Vilaine est le département qui dépense le plus par
habitant pour ses routes.[18]
De même, Méhaignerie met tout son poids politique pour la création de
l’aéroport international de Notre-Dame des Landes entre Rennes et Nantes.
Nous pouvons nous investir dans des collectifs s’opposant à
la construction d’autoroutes, et porter nos critiques sur le réseau TGV, en
prenant l’exemple du TGV Méditerranée, dont l’arrivée a été fort médiatisée. On
nous a ainsi vanté le nouveau confort des fauteuils, et les nouveaux services à
bords, disponibles malheureusement seulement en 1ière classe !
On nous a dit également que le TGV prendrait 25 % de part de marché à l’avion,
et qu’il faudrait rentabiliser l’investissement faramineux. La construction de
la gare TGV d’Aix en Provence sur le plateau de l’Arbois entre cette ville
bourgeoise et l’aéroport de Marseille est fort révélatrice : elle
s’accompagne de la création sur le site d’une zone industrielle de haute
technologie où les encravatés pourront lever des millions pour financer leur
Start-Down ! Les usagers de TER de Marseille, fort mécontents de voir
leurs trains toujours en retard (on laisse passer les TGV prioritairement sur
la voie), ont décidé pour chaque retard de leur train de bloquer un TGV au
départ. C’est dans cette forme d’action directe que les libertaires ont un rôle
à jouer et leur message anti-capitaliste à faire passer.
La gratuité des transports publics est une mesure qui n’est
pas en soit révolutionnaire. Si elle représente effectivement une avancée
sociale pour la partie de la population la plus exploitée et paupérisée par le
système capitaliste, la mise en place du bus gratuit à Vitré représente un
accroissement de la charge de travail pour les chauffeurs de bus, qui doivent
faire les mêmes tournées qu’avant. La cadence devant se maintenir malgré le
doublement du nombre d’usagers, les chauffeurs doivent limiter leurs échanges
avec la clientèle au minimum, et veiller davantage qu’avant à la sécurité lors
de la montée et descente des voyageurs.[19]
C’est ici que la revendication de gestion directe prend tout son sens :
par la prise en compte d’intérêts divers, les salariés et les usagers expriment
la meilleure résultante économique possible : celle qui prend en compte la
dimension pleinement humaine des activités de chacun ; tantôt producteur,
tantôt consommateur. C’est dans l’analyse théorique et le processus pratique de
revendication de la gratuité que peuvent s’exprimer des consciences
révolutionnaires. [20]
[1] Ouest-France, 08/06/2001
[2] http://www.issy.com/cadrevie/voirie/tuvim.htm
[3] cf. « Vitré en quelques chiffres »
[4] « Le Canard enchaîné » du 6 Juin 2001
[5] Golias Magazine n°59, mars/avril 1998
[6] http://www.odas.net/
[7] http://www.transnationale.org/fiches/243.htm
[8] http://www.challenges-eco.com/dossier/class12.html
[9] Prix du billet à l’unité : 3,70 FF
[10] « Le Journal », Hebdo d’information entre Seiche et Vilaine, semaine du 15 au 21 Juin 2001.
[11] Cf. notre Mini-Sondage réalisé auprès de 50 personnes.
[12] « Vitré Journal », Bimestriel d’information de la municipalité, Juillet 2001.
[13] Cf. Interview d’un élu socialiste de l’opposition municipale vitréenne.
[14] « L’anarchisme aujourd’hui », brochure éditée aux éditions du Monde Libertaire.
[15] Monde Libertaire N°1241 du 19 au 25 Avril 2001
[16] INSEE 1990, dans « Déchiffrer les Inégalités », Alain Bihr, Alain Pfefferkorn, Editions « Alternatives économiques »
[17] Supplément au Monde Libertaire N°1228 du 18 au 24 Janvier 2001)
[18] Michel Pigeon, Conseil Général, dans Ouest-France du 7 Août 2001.
[19] Voir Interview du chauffeur de bus
[20] Pour plus d’infos :
-
Site bus gratuit à vitré : http://perso.wanadoo.fr/yves.lechanu.bustram%20/vitre.htm
- Web ring regroupant les sites évoquant les transports urbains français: http://nav.webring.yahoo.com/hub?ring=francetransports&id=3&hub