Groupe LA COMMUNE FEDERATION ANARCHISTE Rennes
1900
1903
Hennebont :
les huit «dégouyetteurs » des forges (manœuvres chargés de décrasser les
six laminoirs le dimanche pendant l’arrêt du travail) demandent que leur
salaire journalier passe de 1,70 F à 2 F. Au-delà de cette revendication
ponctuelle, c’est la condition générale des manœuvres des Forges qui est posée.
Le refus de la direction déclenche la grève.
Une manifestation en ville rassemble 5 000 personnes, où les
femmes se montrent les plus acharnées. Gendarmes et chasseurs «assurent
l’ordre ». Dans les jours qui suivent, la tension monte ; les forces
de l’ordre chargent ; des barricades s’élèvent un peu partout ;
l’émeute s’amplifie.
Le jour de l’audience, où doivent comparaître plusieurs
détenus, près de 2 000 soldats sont sur le pied de guerre. Au moment où le
président du tribunal s’apprête à rentrer chez lui, cinq révolutionnaires se
présentent, et l’un d’entre eux interpelle le préfet : « Monsieur le
Préfet j’ai derrière moi trois mille hommes décidés à tout si, d’ici une heure,
les condamnés ne sont pas remis en liberté. Nous mettrons la ville de Lorient à
feu et à sang. » Peu après, la mise en liberté des prévenus est ordonnée.
La direction accordera l’augmentation demandée. La grève aura duré quarante et
un jours. Sa portée dépassera le cadre de la Bretagne.
Sur fond de Carmagnole et d’Internationale mêlées aux chants
bretons, Lévy et Bourchet, délégués syndicaux, exultent : « La
victoire que nous venons de remporter sera célébrée aux quatre coins du monde.
Elle marque une superbe étape de plus vers la révolution sociale. ».Un
succès qui, cependant, n’altérera nullement la lucidité des deux hommes qui
inciteront vivement leurs camarades à «se grouper en syndicat, à ne pas
s’enivrer, à travailler, à occuper leurs loisirs à étudier, afin de se pénétrer
des questions sociales. »
Conquis
par les idées anarchistes depuis 1897 Jules Le Gall fait parler de lui dès 1903
lorsqu’il crée avec Victor Pengam l’une des premières sections de la Jeunesse Syndicaliste de France. Ce
groupe essentiellement composé par de jeunes ouvriers de l’arsenal, est un
foyer de culture et de propagande malthusienne en même temps qu’un centre
d’agitation et de propagande révolutionnaire. Il organise des séances
récréatives où l’on boit des boissons non-alcoolisées et où l’on chante des
chansons révolutionnaires. Ce groupe compte une soixantaine de militants.
A Saint-Nazaire, à l’occasion du premier mai, le
secrétaire de la section des Bourses du Travail, Yvetot, qui entretient des
liens étroits avec le mouvement anarchiste, développe une campagne de propagande antimilitariste.
septembre 1903
Louise Michel vient en Bretagne :
antimilitarisme et éducation sexuelle sont les thèmes des débats.
A Rennes elle
déclare :
« Je m’adresse aux mères de famille et je les invite à décider
leurs enfants à ne pas tirer sur leurs frères en cas de grèves. Si vous vous
sentez le courage de lever la crosse en l’air contre vos frères, allez à la
caserne ! Si, au contraire, vous ne vous sentez pas la force de refuser de
tuer, n’allez pas à la caserne. »
Egalement invitée par le
groupe libertaire de Lorient, elle demande à se rendre à Port Louis, de l’autre
côté de la rade de Lorient où, en mai 1871, furent déportés cent insurgés de la
Commune parmi lesquels se trouvaient deux ou trois enfants d’une douzaine
d’années. Elle est âgée de 73 ans et déjà très affaiblie, elle s’éteindra deux
ans plus tard en 1905.
1904
Mars 1904
A
Lorient, les compagnons du bâtiment sont en grève. En dehors d’une augmentation
horaire, ils demandent le bénéfice de la loi qui réduit la journée de travail à
10 heures. N’obtenant pas de réponse à leur revendication depuis quarante
jours, les ouvriers se décident à l’action : des émeutes éclatent.
Le conseil municipal est
convoqué d’urgence. S’opposant au maire, un conseiller, Monsieur Jouy,
déclare : « A qui incombe la responsabilité des troubles ?
Les grévistes sont restés calmes pendant quarante jours ; c’est grâce à
deux patrons qui se sont enrichis par la sueur des ouvriers que tout survient.
Il faudrait que, sous vingt-quatre heures, ces patrons soient rendus
responsables de tous les dégâts à venir. Si l’on protège ces patrons, tout
recommencera, non pendant qu’il y aura des troupes sur pied mais après. Je blâme
celui qui a mis le feu, mais pensez qu’il avait faim, qu’il était poussé par la
famine »
Discutée
peu après au Sénat, l’affaire inquiète le monde politique. La condamnation à 5
mois de prison du président du comité de grève et du syndicat des menuisiers
relance un climat de violence. Par mesure de bienveillance, la détention du
militant est abrégée. Le succès est complet : les patrons ont signé.
15 mai 1904
La liste d’Action
Républicaine et Sociale est élue à Brest. Dans son programme elle prévoyait la
création d’une Bourse du Travail qui avait été refusée jusqu’alors par les
précédents élus.
4 juillet 1904
La
Bourse du Travail de Brest est officiellement créée. Jules le Gall en devient
le secrétaire adjoint et Pengam le trésorier et le contrôleur des comptes. La
Bourse du Travail va désormais jouer un rôle important dans la vie syndicale
brestoise. En 1907, 13 syndicats groupant 1641 syndiqués sont affiliés à la
Bourse du Travail.
Des
grèves éclatent parmi les employés des tramways, les ouvriers boulangers, les
plâtriers et les dockers. Les boulangers réclament la suppression du travail de
nuit et du dimanche. En juin et en juillet, des affrontements se produisent. Le
8 juillet, une manifestation ouvrière tourne à l’émeute.
A
Brest, les Dockers se rassemblent autour de causeries anti-alcooliques des
jeunesses syndicalistes.
1905
Les grèves et les
affrontements reprennent au début de l’année à Brest. En février et en mars, la
grève est générale et les heurts avec la troupe sont quotidiens surtout dans le
quartier Saint-Martin. Le 9 mars 1905, 88 établissements sont en grève et on
compte 3752 grévistes. Jules Le Gall déclare : " La lutte actuelle
est le commencement de la lutte finale. Nous avons pris la tâche de soulever le
prolétariat et de le conduire à la révolte. Quand il le faudra, on descendra
dans la rue en arme. »
Grève à l’arsenal de
Lorient :
Les
conditions de vie très difficiles des milliers d’ouvriers civils employés par
l’arsenal militaire rendent la grève inéluctable : elle débute le 14
novembre. Malgré des menaces venues de Paris, stipulant que les ouvriers
grévistes seraient rayés des contrôles et perdraient tous leurs droits à être
réadmis, la poursuite de la lutte est décidée jusqu’à ce que soient satisfaites
les revendications. Le ministre reconnaît finalement le droit de parole aux
ouvriers hors de l’arsenal ; le gouvernement promet également de mettre à
l’étude une amélioration des salaires et une pension proportionnelle pour les
veuves. Le travail reprend à l’issue d’un conflit qui s’est déroulé dans le
calme. Cependant, le problème de fond – le droit de grève dans les arsenaux-
s’est trouvé éludé. En dépit du soutien de Jean Jaurès, les députés
approuveront les déclarations du gouvernement refusant formellement le droit de
grève aux arsenaux d’Etat.
L’année 1905 est le
sommet de la vague gréviste.
3 octobre1905
La Bourse du travail
organise une causerie et une représentation théâtrale. Victor Pengam parle du
rôle des armées dans les sociétés modernes. Immédiatement, il est inculpé
d’incitation de militaire à la désobéissance et exclu de l’arsenal pour 5 mois.
Jules le Gall est aussi inculpé.
A
l’occasion du procès de Victor Pengam, un «Comité de Défense Sociale » se
constitue ; les révolutionnaires de toutes tendances s’y trouvent réunis.
Il jouera un rôle important jusqu’à la veille de la première guerre mondiale.
Il a pour but de défendre les intérêts des travailleurs poursuivis pour délit
d’opinion. Il participe également à des campagnes contre la vie chère.
1er mai 1906
De fait, la grève
générale s’impose à Brest. La CGT mène une campagne pour les 8 heures.
4 mai 1906
Les forces de l’ordre
font une descente à la Bourse du Travail et découvrent des capotes : les
cercles malthusiens luttent à cette époque pour une contraception raisonnée
dans le milieu ouvrier et plus généralement pour l’éducation sexuelle.
Par ailleurs, Jules Le
Gall est à nouveau arrêté avec 18 autres militants syndicalistes de La Bourse
du Travail pour avoir affiché un appel antimilitariste adressé aux soldats.
1907
La grève des dockers
nantais entamée en mars s’étend à la Loire-Inférieure, se radicalise et
entreprend de créer des coopératives ouvrières. Les Bourses du Travail ont
alors un rôle prépondérant dans la lutte sociale.
28 octobre 1907
Jules Le Gall est jugé
devant la cour d’Assise pour incitation au meurtre et au pillage pour avoir
prononcé un discours subversif le 1er mai 1907 :
« La société est pourrie et il ne faut reculer devant
rien pour la renverser ! Soyons prêts à nous faire trouer la peau pour
maintenir nos droits et s’il faut répandre du sang, répandons-en ! »
Il est condamné à 3 mois de prison ferme au
Bouguen.
Suite à ces procès, les
libertaires et les syndicalistes excluent les socialistes du Comité de Défense
Sociale. Après sa libération, il fonde le groupe libertaire «la Guerre
Sociale »qui compte une trentaine de membres.
1907-1909
Grosse mobilisation
antimilitariste en Ille-et-Vilaine à l’initiative des Bourses du Travail. Ces
luttes valent aux anarchistes une surveillance rapprochée de la part de
l’armée. En 1909, Jules Le Gall avec d’autres anarchistes est inscrit au Carnet
B comme propagandiste et antimilitariste.
8 juillet 1908
De nombreuses
interpellations ont lieu à Brest suite à des émeutes pendant la grève des
dockers.
1909-1913
Des activités
néo-malthusiennes existent à Brest. En 1909, les anarchistes Groult et Gosselin
ont fondé le Groupe d’Etudes Rationnelles. Une trentaine de militants y
adhèrent dont Victor Pengam. Il regroupe à la fois des militants anarchistes-communistes
et des individualistes.
Le Cercle Néo-malthusien
en prendra la suite fin 1910. Pendant un an les réunions se dérouleront dans un
local au 9 de la rue Fautras, local loué à l’année et payé par les cotisations
des membres et les bénéfices tirés de la vente de brochures et de préservatifs.
Le nombre de participants aux réunions oscille entre 15 et 20. Victor Pengam y
joue un rôle important en organisant chaque semaine des causeries traitant tour
à tour d’anatomie, de physiologie et d’embryologie, d’alimentation rationnelle,
d’hygiène physique, etc. Le 8 mars 1913, le Cercle Néo-malthusien devenu entre
temps le Groupe d’Etudes Scientifiques, décide sa dissolution par crainte des
poursuites : il est la cible d’une campagne cléricale dirigée par l’abbé Madec,
et un de leurs fournisseurs, l’anarchiste Louise Sylvette, vient d’être
poursuivie pour outrage aux bonnes mœurs « pour avoir exposé dans sa
vitrine des objets à usage de préservation contre les grossesses. »
1911
Le
Préfet présente, dans une lettre très confidentielle au Ministre de
l’Intérieur, l’Arsenal de Brest :
« Je
vous montrais le paradoxe étrange d’un Arsenal destiné à préparer l’instrument
de la guerre et hébergeant une colonie nombreuse d’anarchistes antimilitaristes
(…), des anarchistes revendiquant hautement
cette qualification, professant publiquement leurs théories, inscrits
comme dangereux pour la défense nationale au Carnet B de la Sûreté Générale,
placés sous la surveillance de la gendarmerie et dont 20 au moins, sont marqués
pour être arrêtés en cas de mobilisation ou de tension politique (…). Ce sont
ces anarchistes qui dirigent le syndicat des ouvriers de l’Arsenal (…). C’est
par son intermédiaire que le gouvernement de l’autorité maritime communique
avec les 8000 ouvriers de l’arsenal. »
Jules
Le Gall crée un nouveau groupe anarchiste, le groupe «les Temps Nouveaux » dont
Victor Pengam est le trésorier. Ce groupe adhère à la Fédération Communiste
Anarchiste et participe au «comité d’Entente des Groupes d’Avant-garde »
qui organise à partir de décembre 1912, la lutte contre la guerre à Brest.
C’est pour Jules Le Gall l’occasion de rappeler sa volonté de recentrer la
lutte sur la pensée anarchiste plutôt que syndicale.
Pengam et Gourmelon ont
de nouveau affaire à la justice pour provocation au vol et outrage à magistrat
et son compagnon pour sabotage. Ils solliciteront l’aide du Comité de Défense
Sociale pour le paiement de leurs amendes.
A Lorient, un manifeste
antimilitariste, sorti des presses de la Bourse du Travail et adressé
individuellement à de nombreux conscrits de la ville, déclarait :
« A
vous tous, soldats et futurs soldats, Réfléchissez ! De vos fusils, les
gouvernants font un rempart. Au spectacle d’intelligentes mutineries leurs
craintes s’éveillent ; ils ont peur ; ils voient leurs privilèges,
leur autorité en perte. Leur autorité est notre joug à tous. Pour vous,
soldats, c’est le galon ; pour nous, c’est la loi. Leur opulence, c’est
notre misère. De toutes ces contraintes, nous en avons assez. Prochaines sont
les révoltes. L’armée n’est pas seule à souffrir, elle ne sera pas seule à se
révolter… »
1912
Jules Le Gall entreprend
également de propager des idées révolutionnaires parmi les paysans. L’Abbé
Madec écrit sur lui dans la Quinzaine
Ouvrière :
«Sa
propagande criminelle ne marchant pas au gré de ses désirs, il ne se contente
plus de la ville de Brest pour champs de ses exploits, il veut aussi pervertir
nos belles campagnes brestoises. Et on peut voir ce triste camelot traînant son
ennui et sa haine parmi nos populations rurales. »
L’antimilitarisme
est une lutte qui s’intensifie de jours en jours. Ainsi le Préfet du Finistère
décrit la situation au Ministre de l’Intérieur dans une lettre en date du 9
décembre 1912 « (…) Peut-être la municipalité est sincère dans la volonté
d’empêcher tout désordre mais son autorité est nulle sur les révolutionnaires.
(…) On s’en est rendu compte il y a quelques jours pendant cette manifestation
contre la guerre(…) au cours de laquelle se sont produits des incidents assez
graves ; puisqu’on a hué le Préfet maritime, crié «A bas l’armée » et
chanté devant les casernes «l’hymne au 17ème ». Suite à ces
événements le Préfet ajoute : « il est temps de mettre un terme
à la propagande anarchiste et antimilitariste qui s’étend de jour en
jour. »
La municipalité brestoise prend une décision de
principe sur la création d’une Maison du Peuple. Celle-ci est une société
immobilière «la Société des Amis de la Maison du Peuple ».
Lors du congrès anarchiste,
l’Ouest n’est représenté que par Le Gall de Brest et Moreau de Nantes.
L’influence anarchiste est alors limitée en Bretagne en dehors de ses bastions
(Brest, Nantes, Saint-Nazaire).